Le pâturage attire de plus en plus l’attention des producteur·trice·s laitiers comme une solution concrète pour accroître la biodiversité et améliorer le bien-être animal.
Lors de notre journée aux champs à la Ferme Y. Lampron et fils, nous avons exploré comment cette approche peut être intégrée efficacement dans une ferme laitière.
Mais comment l’intégrer efficacement dans une ferme laitière? Quelles infrastructures, quels outils et quelles pratiques permettent vraiment de faire la différence?
Rassembler, apprendre et partager autour du pâturage
Chez Régénération Canada, nous rassemblons les producteur·trice·s pour faciliter le partage de connaissances, afin de soutenir la transition vers l’agriculture régénératrice. C’est dans cet esprit que nous avons organisé l’événement « Démystifier la gestion d’un pâturage pour la production laitière », dernière étape d’une série de trois activités consacrées au pâturage.
Bien intégré, le pâturage peut améliorer la santé des sols, renforcer la biodiversité et soutenir le bien-être animal.
Après deux conférences organisées en avril 2025, au cours desquelles les productrices et producteurs laitiers ont exploré les principes fondamentaux de la gestion des pâturages, cette journée sur le terrain a offert une dimension supplémentaire : l’occasion de visiter une exploitation agricole basée sur le pâturage, d’observer les infrastructures de près et d’échanger directement avec des producteur·trice·s expérimenté·e·s et des intervenant·e·s de terrain.
L’objectif était d’offrir un espace de discussion vivant et inclusif aux producteur·trice·s laitier·ière·s qui envisagent d’intégrer le pâturage dans leur entreprise.
Portrait de la Ferme Y. Lampron et fils : un héritage familial ancré dans l’innovation
Implantée depuis plus de 150 ans, la Ferme Y. Lampron et fils est un exemple inspirant de transmission familiale et d’innovation durable. Fondée en 1858, elle est certifiée biologique depuis 1998 pour ses cultures et depuis 2001 pour sa production laitière.
Aujourd’hui, cinq co-actionnaires de la famille assurent la gestion de l’entreprise.
L’exploitation comprend :
- 449 ha en culture (dont 113 ha en location)
- 40 ha de pâturages subdivisés en 27 parcelles
- un troupeau de 200 vaches en lactation et 140 femelles de remplacement
- un système de traite Boumatic 2×10 et une étable en stabulation libre
- rotation des cultures : foin – foin – foin – maïs-ensilage – soya – soya – seigle
L’alimentation est adaptée selon la saison :
- En été : les vaches sont nourries en ration totale mélangée (RTM) le jour et accèdent au pâturage la nuit, avec une organisation par groupes selon l’âge et la production.
- En hiver : les vaches sont nourries exclusivement en RTM.
Construire des pâturages résilients grâce à la diversité

La ferme mise sur un mélange à pâturage diversifié : trèfle blanc, lotier, brome des prés, fétuque des prés, ray-grass vivace et pâturin de Kentucky.
Certaines parcelles n’ont pas été labourées depuis près de 10 ans, tout en restant productives. C’est grâce à ces mélanges diversifiés que les prairies sont plus résilientes face aux températures extrêmes.
Leur objectif est clair : maximiser le bien-être animal et la production de fourrage au pâturage malgré une superficie limitée. Les sursemis sont en cours d’expérimentation, avec un constat que les jachères suivies de semis purs semblent donner les meilleurs résultats.
Le principal défi reste la gestion de la superficie disponible, qui limite les possibilités de renouvellement à plus grande échelle.
Une journée d’apprentissage à la ferme
La matinée a permis d’explorer différentes dimensions de la gestion du pâturage, alliant recherche, expertise technique et témoignage de terrain.
Santé des sols et carbone
William Savard (Université Laval) a dévoilé les résultats préliminaires de son étude sur la santé des sols et les stocks de carbone dans des pâturages de 20 fermes laitières biologiques au Québec. Ses observations suggèrent que la texture du sol, le climat et même l’âge des prairies influencent la capacité de séquestration du carbone.
À la Ferme Lampron, les champs en pâturage depuis vingt ans semblaient stocker davantage de carbone que ceux utilisés depuis seulement 12 ans.
Outre le carbone, d’autres indicateurs comme la stabilité des agrégats, la réserve en eau utile et la matière organique ont montré des résultats particulièrement positifs, confirmant les bénéfices du pâturage sur la santé des sols.
Des outils pratiques pour la gestion des pâturages
François Labelle (Lactanet) a présenté deux outils simples et efficaces :
- L’Herbomètre, un outil qui mesure la biomasse disponible dans les pâturages ;
- L’Application Happy Grass aide à planifier les rotations de manière plus efficace et ajuster l’alimentation selon la pousse de l’herbe.
Il a rappelé qu’une herbe pâturée jeune est souvent plus riche en protéines que l’ensilage, et que le choix d’espèces fourragères diversifiées, tolérantes à la paissance et au piétinement, ainsi qu’appétantes pour les vaches, est essentiel pour allier qualité et productivité.
La diversité au service de la résilience climatique
La diversité des mélanges fourragers rend les prairies plus résistantes aux sécheresses et assure une disponibilité de fourrage même dans des conditions difficiles. Cette diversité contribue aussi à la durabilité des systèmes agricoles. Des espèces comme le dactyle, le brome des prés ou la fétuque des prés ont un bon regain et tolèrent bien la sécheresse.
Infrastructures et électrification : les fondements d’une bonne gestion
Marie-Pier Beaulieu (Conseil québécois des plantes fourragères) a insisté sur un aspect souvent sous-estimé : la fiabilité des installations électriques. Une clôture bien pensée, avec un bon système de mise à la terre et un circuit adapté, devient un véritable outil de gestion. Elle a aussi souligné l’importance de revaloriser le savoir-faire autour de l’électrification des pâturages, perdu avec l’industrialisation, mais essentiel aujourd’hui pour gérer efficacement des troupeaux au champ.
La Caravane des pâturages qu’elle a animée en après-midi a permis de présenter, entre autres, les colliers de pâturage sans fil, qui ont suscité un vif intérêt pour leur nouveauté et leur capacité à rendre les systèmes plus flexibles.
Le regard du producteur
Pour illustrer le tout, Gabriel Lampron a partagé son expérience : la planification des parcelles, l’organisation des groupes de vaches selon leur stade de production, et l’importance des chemins et points d’eau pour faciliter les déplacements.
Il a aussi souligné les bénéfices moins visibles du pâturage : au-delà de la qualité du fourrage, il faut aussi considérer les gains en santé animale : longévité des vaches, réduction des problèmes d’onglons, et contribution à la santé des sols.
Les améliorations continues sur sa ferme, comme l’installation de haies pour l’ombrage, l’entretien des chemins et l’utilisation de l’herbomètre pour mieux équilibrer la ration, illustrent une vision à long terme, où rentabilité, résilience et bien-être animal avancent ensemble.
Ensemble, ces conférences ont offert aux participant·e·s présent·e·s non seulement des outils concrets à tester, mais aussi une vision élargie sur ce que peut devenir un système de pâturage bien pensé : une pratique à la fois productive, résiliente et bénéfique pour les sols, les animaux et les producteur·trice·s eux-mêmes.
La visite des installations sur le terrain
En après-midi, les participant·e·s ont pu constater directement l’application de ces principes. Ils et elles ont pu observer :
- Les pratiques agronomiques : rotations, semis, espèces fourragères, gestion du troupeau.
- Les infrastructures : chemins de ferme en chaux durable, lignes d’eau, abreuvoirs, clôtures, haies brise-vent.
- Des technologies testées sur place : électrification, herbomètre, l’application Happy Grass.


Un espace d’échanges et d’inspiration

Au-delà des présentations et de la visite, l’événement a surtout été marqué par la richesse des échanges. Plusieurs étaient venus de loin pour prendre part à cette rencontre, preuve de l’intérêt grandissant pour le pâturage en production laitière.
Chacun·e est reparti·e avec des idées, des outils pratiques et surtout l’inspiration pour améliorer ou intégrer le pâturage dans sa propre ferme, en contribuant collectivement à bâtir une agriculture plus régénératrice.
Les enseignements clés de la journée
- Santé des sols : le pâturage contribue à améliorer la santé des sols et à stocker du carbone, mais ses effets varient selon la texture du sol, l’âge des prairies et le climat.
- Un pâturage diversifié est plus résilient : les mélanges fourragers multi-espèces favorisent une meilleure résistance aux sécheresses.
- Bien-être animal : des abreuvoirs adaptés, des chemins bien conçus et des zones d’ombre comme les haies brise-vent réduisent le stress et favorisent la santé du troupeau.
- Outils pratiques pour gérer le pâturage : l’herbomètre et l’application Happy Grass facilitent la planification des rations et le suivi des pâturages.
- Gestion efficace des infrastructures : des clôtures électriques fiables et l’électrification à distance permettent de gagner du temps tout en assurant la sécurité des animaux.
En somme, les pâturages, lorsqu’ils sont bien gérés, offrent de nombreux avantages pour la santé des sols, le cycle de l’eau, la biodiversité et le bien-être animal. Mais ils apportent également leur lot de défis, qui sont surmontables avec le bon équipement adapté à votre gestion.
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Remerciements
Cet événement a été soutenu par Fermiers pour la transition climatique et le programme MFR. Veuillez vous rendre au fermesresilientes.ca pour accéder gratuitement à des cours, à des ressources et à des webinaires en ligne; pour trouver des événements se déroulant dans votre région; de même que pour en apprendre davantage à propos du travail de recherche en cours sur les cultures de couverture, l’optimisation de la gestion de l’azote et le pâturage en rotation.

Ce projet a été financé par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation dans le cadre du Programme Prime-Vert 2023-2026.


