La terre, mon corps; l’eau mon sang: la vraie valeur de la nature

Une carte de Grasshopper Geography des bassins versants, crée par Robert Szucs
Une carte de Grasshopper Geography des bassins versants, créée par Robert Szucs

J’ai été époustouflée lorsque je suis tombée sur cette belle carte de notre continent, définie uniquement par ses bassins versants. Cette carte est l’œuvre de Robert Szucs de Grasshopper Geography et nous démontre de façon étonnante à quel point la terre est intimement liée à l’eau. Elle nous présente également comment les bassins versants relient différentes régions de la terre dans un flux organique qui ne respecte pas les limites artificielles de nos juridictions politiques. L’eau rend la vie sur terre possible. L’eau circule du ciel vers le sol et le traverse en l’hydratant, donnant vie à toutes les créatures terrestres et aux plantes par les bassins versants.

Dans notre culture coloniale, nous avons souvent considéré les cycles de l’eau comme acquis. La nature a été généreuse et il a été facile de présumer que l’eau serait toujours là et suivrait des schémas saisonniers fiables. Mais notre empreinte humaine est devenue si grande que nous avons perturbé les systèmes écologiques naturels qui nous fournissent les ressources dont nous avons besoin. À l’ère des changements climatiques, nous connaissons de graves perturbations des cycles de l’eau, de violentes tempêtes, des inondations dramatiques, des températures à la hausse et des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes.

Bien que nous nous concentrions généralement sur le carbone comme étant le coupable du changement climatique, ces perturbations météorologiques sont en fait des ruptures des cycles de l’eau. Les interventions humaines dans les cycles naturels des écosystèmes ont provoqué un grand déséquilibre des cycles de l’eau, tant au niveau mondial que régional. Les forêts et les environnements luxuriants et diversifiés couverts de plantes jouent également un rôle important dans le rafraîchissement et l’hydratation de la terre ainsi que dans la régulation des cycles de pluie. Comme l’activité humaine déplace ces écosystèmes naturels, nous réduisons la quantité de couverture végétale et la biodiversité sur la planète. À cet effet, nous réduisons la capacité de la terre à réguler la température, à absorber le carbone atmosphérique et à retenir l’eau dans les sols.

Si les sols constituent le corps de notre planète, l’eau est le sang qui circule dans ses veines. Sans comprendre la valeur de ces systèmes vitaux et leur fonctionnement, nous risquons de détruire ce qui nous nourrit. Aujourd’hui, de plus en plus de gens commencent à se réveiller et à reconnaître que les systèmes d’extraction qui exploitent les ressources naturelles ainsi que le manque de méthodologie pour maintenir et restaurer ces systèmes vitaux nous mènent rapidement à la catastrophe.

« Si les sols constituent le corps de notre planète, l’eau est le sang qui circule dans ses veines. »

Comptabilisation du capital naturel

J’ai récemment assisté au BC Water Stewardship Symposium où, entre autre, j’ai entendu parler du travail de deux hommes, Emanuel Machado et Tim Pringle, de Gibson et de l’île de Salt Spring en Colombie-Britanique, qui développent des méthodes de comptabilisation du capital naturel dans leurs communautés. L’initiative de Machado sur les Actifs Naturels Municipaux et le Protocole de Comptabilité Écologique de Pringle sont deux moyens de prendre en considération et de maintenir les actifs naturels qui sont vitaux pour le bien-être de la communauté. 

En général, un gouvernement régional dispose d’un budget et d’un plan d’entretien pour toutes les infrastructures construites sur son territoire. Chaque tuyau et chaque drain est comptabilisé et des fonds sont alloués pour le réparer si nécessaire. Mais l’infrastructure grise (tuyaux et drains) pour la distribution de l’eau est sans valeur si l’infrastructure verte (les eaux souterraines et les cours d’eau) ne fonctionne pas. L’infrastructure verte n’est ni valorisée ni comptabilisée. Ces systèmes de comptabilité sont un moyen de commencer à le faire. Quelle est la valeur d’un cours d’eau ou d’une zone humide ? Quels sont les risques s’ils sont perdus ? Que faut-il faire pour qu’ils fonctionnent de manière optimale ? Quelles vies dépendent du bien-être de cette eau ? Ce sont les questions qu’il faut se poser. L’important n’est pas tant le système exact ou la valeur monétaire, mais la reconnaissance du fait que les masses d’eau fournissent des services vitaux tels que la recharge des aquifères, la protection contre les tempêtes, l’eau potable, l’habitat, le bien-être, les loisirs et que nous devons investir dans leur entretien et leur restauration pour le bien commun.

Ces deux exemples sont axés sur les juridictions municipales, mais comme nous le voyons sur la carte, les bassins versants relient tous ceux qui occupent et dépendent des sols. Comment pouvons-nous tous collaborer et commencer à développer collectivement des systèmes pour restaurer, maintenir et valoriser l’eau dont nous dépendons tous pour vivre ?

Hydrater la terre pour atténuer les changements climatiques

Cette année, le Symposium Sols vivants de Régénération Canada s’intitule Hydrater la terre pour atténuer les changements climatiques. Bien que cela puisse sembler dévier de notre mandat habituel, soit la régénération des sols, nous croyons que la santé des sols est indispensable à la santé de l’eau. Un sol sans eau est inhospitalier et un système de distribution de l’eau équilibré est essentiel pour un système alimentaire durable. Les agriculteurs ne peuvent à eux seuls résoudre les problèmes liés à la pénurie et à l’excès d’eau, car l’eau n’a pas de frontières. Seule une société unie peut commencer à reconnaître la valeur de son capital naturel et mettre en place des moyens pour le protéger et le restaurer. Nous pourrons alors mettre en place des systèmes entre juridictions qui pourront collaborer et prendre en compte la protection des ressources communes vitales.


La pénurie et l’excès d’eau sont les deux faces d’une même pièce, et non deux problèmes différents. Les conférenciers et les participants au Symposium nous apprendront comment fonctionnent les cycles de l’eau et comment nous pouvons travailler ensemble pour aider à les rééquilibrer dans nos sols. Tous ceux qui dépendent des sols, des agriculteurs aux municipalités, en passant par ceux qui se préoccupent de notre sécurité alimentaire, ont un rôle à jouer pour changer les choses. Nous espérons que vous vous joindrez à nous virtuellement du 22 au 26 février au Symposium Sols vivants: Hydrater la terre pour atténuer les changements climatiques.

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