Hydrater le paysage

Récemment, j’ai rencontré Neal Spackman, un Américain dont la compagnie Regenerative Resources travaille à inverser la désertification et à restaurer des écologies productives dans les bassins versants et les zones côtières des pays du monde entier. Son premier grand projet s’est déroulé en Arabie saoudite où son équipe a réalisé un projet de démonstration sur 10 ans pour inverser un cycle destructeur de sécheresses et d’inondations occasionnelles dévastatrices dans une savane agroforestière productive. Vous pouvez regarder sa vidéo à ce sujet ici.

Le paysage avec lequel ils ont commencé était déserté et totalement improductif. Autrefois, c’était un endroit fertile couvert de grands arbres. Ici, en Amérique du Nord, nous ne sommes pas encore arrivés à ce point extrême et nous avons tendance à être myopes par rapport à la trajectoire que nous suivons. Nous sommes en effet sur une voie destructrice qui ne sera qu’accélérée par le changement climatique. Dans le sud-ouest des États-Unis, la production agricole n’est pas possible sans irrigation. L’eau est aspirée de la nappe phréatique et drainée des grands fleuves pour irriguer les cultures sans que ces sources d’eau ne soient reconstituées.

L’agriculture de production à grande échelle, la culture annuelle des produits de base, n’a jamais nécessité d’irrigation. Mais les agriculteurs commencent à souffrir de l’instabilité climatique et des pluies imprévisibles. Le gouvernement de la Saskatchewan vient d’annoncer un investissement de 4 milliards de dollars pour acheminer l’eau d’irrigation du lac Diefenbaker, dans le nord de la Saskatchewan, pour irriguer 120 000 acres de terres.

Des méthodes telles que celles utilisées pour réhydrater les déserts seraient beaucoup plus durables et plus rentables que la création de solutions techniques qui ne feraient que retarder le processus de désertification. L’irrigation sans restaurer la capacité de la terre à retenir l’eau est une solution temporaire. Dans la vidéo de Neal Spackman, ils ont utilisé l’irrigation dans les premières années pour établir des arbres dans un désert aride où il y a à peine 60 mm de pluie par an et les températures atteignent souvent 50 degrés Celsius en été. En 2016, ils ont retiré l’irrigation parce qu’ils voulaient créer une écologie qui pourrait s’adapter au climat sans intervention coûteuse. Ironiquement, une sécheresse a suivi l’arrêt de l’irrigation et pendant 31 mois, il n’y a pas eu de pluie du tout. Une partie de la végétation est morte pendant la sécheresse, mais pas la totalité. Les espèces les plus résistantes et les mieux adaptées ont survécu et aujourd’hui le paysage est fonctionnel sans irrigation. Ceci démontre que ce modèle peut être étendu de manière rentable aux grandes zones désertifiées.

Quelques méthodes pour hydrater un paysage
Comment hydrater un paysage pour le rendre résilient? La première étape, qui est la plus fondamentale, consiste à régénérer le sol avec des méthodes de l’agriculture régénératrice. Les principes de base sont: éviter de perturber le sol, garder le sol couvert de végétation et réduire ou éviter les produits chimiques qui tuent la vie dans le sol. Le niveau suivant consiste à ajouter des arbres et d’autres cultures pérennes à racines profondes, gérer des animaux sur pâturage et s’assurer que le sol n’est pas compacté.

Enfin, il est important de réfléchir aux extrêmes des régimes de précipitations possibles dans votre géographie et planifier la gestion de l’eau afin de pouvoir profiter de chaque goutte. S’il y a trop d’eau, comment est-il possible de la capturer et la stocker pour l’utiliser lorsqu’il n’y en aura pas assez? Les réservoirs et les étangs peuvent stocker l’excès d’eau jusqu’à ce qu’on en ait besoin. L’écoulement de l’eau qui coule sur une pente peut être ralenti et peut pénétrer dans le sol grâce à une gestion soigneuse de la terre. De cette façon, la fertilité reste sur la terre plutôt que d’être emportée et de polluer nos précieuses voies navigables.

Nous sommes encore loin du désert aride ici en Amérique du Nord, mais les dures réalités du changement climatique menacent nos systèmes alimentaires. Les conditions météorologiques extrêmes s’accélèrent et il serait sage de prendre des mesures dès maintenant pour éviter le pire. Après tout, les déserts d’aujourd’hui étaient autrefois des régions fertiles qui ont simplement mal été gérées!