Où vont vos déchets de table? Voici ce que nous avons découvert.

Plus tôt cet été, l’équipe de Régénération Canada s’est rendue sur un des sites de compostage d’Englobe, notre membre et partenaire du Symposium Sols vivants. C’est au site de Lachute que nous avons pu découvrir ce qui arrive à nos déchets de table lorsqu’ils se retrouvent dans un site de compost. Parmi ses diverses activités, Englobe traite des matières organiques telles que les résidus verts, les déchets de table, les boues de stations d’épuration et les boues agroalimentaires. Ces matières sont alors transformées pour en faire du terreau et du compost. Nous avons été accueillis par Serge Loubier, Directeur, Développement des affaires et des nouveaux produits et Audrey Pagé, Inspectrice de contrôle et qualité, qui nous ont fait découvrir l’univers du compost à travers toutes ses étapes. Le site de Lachute reçoit en moyenne 30 000 à 40 000 tonnes de matières organiques de plusieurs municipalités avec qui Englobe a une entente. Celle-ci Il s’assure de les traiter et de les convertir en un produit qui peut être utilisé par les horticulteurs, les agriculteurs et les citoyens.

Mais pourquoi le compost? Au Canada, les matières organiques représentent 40% des déchets résidentiels. Lorsque le compost est utilisé en milieu agricole, il favorise la vie microbienne du sol et offre une panoplie de bénéfices écosystémiques : une meilleure rétention d’eau, plus de potentiel de séquestration de carbone et une réduction des parasites. Nous devrions donc tous composter nos déchets de table et nos résidus de jardin. Pour que cela se produise, tous les résidents devraient avoir accès à un système de compost municipal ainsi que les ressources nécessaires pour faire un tri adéquat.

Comment ça fonctionne ?

Une fois la collecte terminée, les camions se dirigent vers Lachute où ils déchargent les matières récupérées des bacs bruns dans une gigantesque pile. Serge nous explique qu’ils fonctionnent avec un système de piles. Ceci veut dire que le compost passe de pile en pile avant de se retrouver converti en produit final. Ce processus peut prendre environ un an. Lorsque nécessaire, les piles sont retournées pour obtenir une meilleure aération et accélérer le processus de décomposition. Elles doivent également maintenir une température de 50 à 70 degrés. Le maintien de cette température va permettre de détruire les micro-organismes nuisibles ainsi que d’assurer l’hygiénisation du compost.

À la réception, un premier tri visuel est effectué pour enlever les corps étrangers. C’est une étape importante, puisque l’erreur est humaine. Lors de notre visite, nous avons été témoins d’un déchargement de matières non conformes. Un mélange de déchets municipaux et de matières compostables a été ajouté dans la pile de compost par un camionneur qui n’avait pas vérifié le contenu de son camion le matin où il est allé chercher les matières organiques destinées au compost. Des erreurs au niveau de la collecte, il y en a une fois de temps en temps. C’est pourquoi le premier tri visuel est très important afin de s’assurer que les matières sont conformes.

Après quelques mois de traitement, il y a un tamisage primaire des matières pour enlever les plus gros débris. Lors de cette étape, on retrouve principalement des sacs de plastique dans les matières à enlever. Nous avons également été témoins de cette situation. Parmi les piles de compost qui nous entouraient, nous avons tout de suite été frappés par une pile qui était presque entièrement constituée de sacs en plastique que l’équipe d’Englobe a dû enlever des piles de compost. Cette pile de sacs a été retirée lors du tamisage et est en attente de se faire envoyer à un site d’enfouissement. En moyenne, les employés d’Englobe enlève 5% en corps étrangers des matières qu’ils reçoivent.

Lorsque le compost est mature, il y a un dernier tamisage plus fin qui permet d’enlever d’autres corps étrangers ainsi que des matières qui ne sont pas complètement compostées (telles que des morceaux de bois). Lors de cette étape, plusieurs morceaux compostables qui ne sont pas complètement décomposés seront retournés dans les piles de compost.

 

L’importance d’un compost à domicile de qualité

Serge nous explique que la sensibilisation auprès des citoyens est primordiale pour assurer un compost de qualité. Nos déchets de table, les feuilles tombées à l’automne, les résidus de jardin et toutes autres matières que l’on met dans nos bacs bruns se retrouvent forcément dans le terreau ou le compost que des compagnies comme Englobe produisent. Un bel exemple qui souligne l’importance de la contribution du citoyen dans cette opération: le collant de fruit et légumes. Puisqu’il est trop petit pour être enlevé lors des étapes de tri et de tamisage, les collants de fruits et légumes peuvent se retrouver dans le compost ou le terreau final. « Ce sont vos matières qui sont recyclées. Alors, si on se préoccupe de la boucle complète du recyclage, un simple geste comme enlever les collants sur nos fruits et légumes aide à garantir la qualité du compost », nous explique Serge. En somme, la qualité du compost dépend d’abord et avant tout de la compréhension de la gestion des déchets organiques par les citoyens ainsi que de l’engagement de ceux-ci.

Le compost: Une économie circulaire

Plusieurs municipalités reprennent le terreau et le compost qu’Englobe fait avec les déchets organiques pour les utiliser dans leur espace publique ou bien les redonner à leurs citoyens. Ce processus souligne la boucle complète du compost. Le compost provient du sol et retourne vers le sol. Plusieurs municipalités, telles que Sainte-Agathe-des-Monts, Lac-Supérieur et Oka, ont une entente avec Englobe pour redonner les matières finales, soit du terreau ou du compost, à leurs citoyens. Cette conversion souligne l’importance de bien gérer les déchets que l’on met dans son bac brun. Comme le souligne Serge: « c’est une réelle économie circulaire ». Le compost est bien souvent une pratique incomprise et abstraite pour une grande partie des citoyens, qui ne savent pas exactement où leurs matières sont recyclées et comment celles-ci finissent en compost. « C’est pour ça qu’on aime recevoir des citoyens et leur montrer ce qu’on fait. Ça devient beaucoup plus tangible après », souligne Serge.

Qu’est-ce qu’on peut faire en tant que citoyens?

Le plus important est de s’assurer que ce que l’on met dans nos bacs bruns va bel et bien dans le compost. Les matières organiques qui sont envoyées dans des sites d’enfouissement créer jusqu’à 25% plus de gaz à effet de serre puisqu’ils génèrent du méthane. Faire le tri des déchets de table est donc un geste qui contribue largement à la réduction des gaz à effet de serre dans les sites d’enfouissement. Selon Recyc-Québec, le Québec génère environ 3.9 millions de tonnes de matières organiques et seulement 1.1 million de tonnes sont recyclées. Le reste, soit 2.9 millions de tonnes, est soit enfoui ou incinéré. Gérer tout cela n’est pas une simple tâche. Pour aider les citoyens à y voir plus clair, Recyc-Québec a créé l’application ÇA VA OÙ? qui vous guide dans la gestion de vos déchets organiques selon la municipalité de votre choix.

Le compost en milieu agricole

Malgré les bienfaits que le compost peut avoir pour la santé des sols, Serge nous explique que le marché du compost est plutôt dominé par les horticulteurs. Le ministre Charette reconnaît par ailleurs le potentiel de son utilisation dans le milieu agricole : « on réalise qu’on utilise à peu près 4 %, à peine, des terres agricoles du territoire québécois pour recevoir du compost. Il y a un potentiel immense ». Dans le milieu agricole, les bénéfices de l’ajout de compost vont permettre une meilleure rétention des fertilisants, une amélioration de l’infiltration et la rétention d’eau et aux bénéfices du carbone organique dans le sol. « Le positionnement et l’usage d’un agent ou d’un amendement qui va venir améliorer la santé des sols, ça s’insère dans une gamme de pratiques », nous explique Serge. Pour un agriculteur qui désire investir dans la santé de ses sols, l’ajout de compost est un investissement à long terme pour enrichir la vie microbienne de son sol. En effet, on ne constate souvent les bénéfices qu’après quelques années d’usage. L’apport de micro-organismes du compost va venir jouer le rôle d’inoculum et va contribuer à un sol qui est plus résistant aux intempéries liées aux changements climatiques. Les défis dans le milieu agricole sont donc d’avoir des utilisateurs bien informés qui désire et on le moyen d’investir dans l’amélioration à moyen terme de leur sol. Tant que la santé des sols n’est pas une préoccupation pour tous, l’utilisation de compost restera très minime. Serge reste toutefois positif face à ce défi: « on commence à avoir de plus en plus d’intérêt d’agriculteurs maraîchers qui veulent intégrer ces pratiques », nous explique-t-il.

Au final, le compost est un projet de société. Au Canada, nous avons un des taux de déchets par habitant les plus élevés, soit 33.4 millions de tonnes par année. Si les matières organiques représentent 40% de nos déchets, nous avons le potentiel de recycler environ 13 millions de tonnes de déchets en terreau ou en compost. Si l’on veut réellement réduire nos impacts sur l’environnement, un simple geste comme mettre son coeur de pomme dans le compost est l’une des premières actions concrètes que nous pouvons prendre.