Restaurer les systèmes alimentaires autochtones

Pendant des milliers d’années, les peuples autochtones de ce continent ont survécu en récoltant de la nourriture provenant d’écosystèmes naturels et abondants qui maintenaient l’équilibre dans l’environnement. Les principes de régénération étaient inhérents à la gestion autochtone des terres. Tout y était pensé de manière à ce que les récoltes soient durables afin que l’abondance persiste pour des générations à venir et que les écosystèmes, si essentiels à la fertilité et au maintien du climat et des cycles de l’eau, ne soient pas perturbés. Le système alimentaire industriel a eu une approche à court terme et extractive et nous nous retrouvons maintenant dans une position où nous devons essayer de restaurer les dommages qui ont été causés par la perte massive de biodiversité et les changements climatiques. Nous reconnaissons maintenant que les services écosystémiques sont essentiels à la survie de la civilisation humaine. La préservation des forêts et des espaces sauvages, des zones humides et des prairies est essentielle pour favoriser un climat habitable et maintenir les augmentations de température en dessous de 1,5 degré selon ces scientifiques.

Reconnaissant l’urgence de restaurer une base d’écosystèmes naturels pour restaurer le climat, les militants autochtones trouvent plusieurs alliés dans leur lutte pour protéger les écosystèmes qui constituent la base de leur alimentation et de leurs modes de vie traditionnels. Dans cet article, je parlerai de deux initiatives démarrées par des individus de communautés autochtones. La première est la restauration des prairies avec des buffles et la deuxième est la restauration des zones humides avec du riz sauvage.

Autrefois, une grande partie de la zone centrale de l’île de la Tortue (l’Amérique du Nord) était parcourue par d’énormes troupeaux de bisons. Le buffle était une espèce fondamentale, permettant aux prairies et aux plantes indigènes des prairies de s’épanouir. C’était le plus grand puits de carbone en Amérique du Nord. Le peuple Lakota avait un mode de vie intimement lié à la migration du buffle ; l’animal était au cœur de leur vie. La viande de buffle est un superaliment riche en protéines, en fer et en acides gras oméga-3.

Aujourd’hui, on remarque une prise de conscience émergente que cette richesse qui a été pratiquement effacée, est en fait d’une grande valeur non seulement pour les peuples autochtones, mais pour nous tous dans notre lutte contre les changements climatiques. Une poignée d’initiatives s’est développée dans le but de renvoyer le buffle dans les prairies et de rétablir l’écosystème des prairies. Une de ces initiatives est The Tanka Fund. Il s’agit d’une organisation dont la mission est d’aider les éleveurs autochtones sur les terres des réserves à établir des troupeaux de bisons et à vivre de cette activité. En langue Lakota, tanka signifie « génial » ou « grand » dans le sens de l’interdépendance de toute vie. À travers le projet, l’équipe Tanka envisage un retour vers la prospérité de la terre, des gens et de l’économie.

Pour le peuple Anishinaabe, le Manoomin, ou riz sauvage, était aussi essentiel à leur mode de vie que le buffle l’était pour les Lakota. Le riz sauvage pousse sur les rives peu profondes des lacs. Les zones humides côtières, comme les prairies, ont une importance écologique énorme qui a longtemps été négligée. Les zones humides sont les reins de la terre. Elles purifient les toxines de l’eau. Elles protègent les côtes des tempêtes et du vent et donnent aux eaux de crue un endroit où aller. Elles abritent plus d’un tiers des espèces menacées. Les zones humides peuvent stocker de grandes quantités de matière organique pendant des centaines d’années, fournissant ainsi un puits de carbone égal ou supérieur aux terres forestières.

Manoomin (riz sauvage)

Le riz sauvage, une plante qui n’est pas un parent du riz, est une plante indigène en Amérique du Nord qui pousse autour des Grands Lacs et des régions forestières boréales depuis des milliers d’années. Le riz sauvage avait été anéanti en grande partie en raison de la pollution de l’eau, du développement, de la modification des niveaux d’eau (le riz sauvage a besoin d’eau peu profonde) et de son élimination par des personnes qui ne comprenaient pas sa valeur et la considéraient comme une mauvaise herbe. Aujourd’hui, il y a des projets pour le ramener dans plusieurs endroits au Canada et aux États-Unis.

Manoomin (riz sauvage) séché

James Whetung, fondateur de Black Duck Wild Rice, a pour mission depuis 38 ans de restaurer la plante sacrée dans le lac Rice, là où réside la Première Nation de Curve Lake. Des graines de manoomin avaient été transportées du lac Rice vers le fleuve Mississippi il y a plusieurs générations. En 1982, James Whetung a assisté à un rassemblement sur la sécurité alimentaire à Ardock près du Mississippi et il est revenu avec des graines de manoomin et une passion pour la restauration de cette semence dans ses terres natales. Il sème et récolte le manoomin, mais il est également déterminé à éduquer les gens sur la valeur non seulement de cette nourriture précieuse, mais aussi de la culture et des traditions qui l’entourent. Il anime le camp Manoomin durant l’été et l’automne, où des gens de tous les horizons se réunissent pour en apprendre davantage sur l’histoire du riz sauvage et comment cueillir, rôtir, danser et vanner le riz.

Si vous voulez en savoir plus, voici une courte vidéo sur James et sa mission : Black Duck Wild Rice. James se joindra également à nous pour un webinaire sur son travail le 12 novembre et vous êtes invité.es à vous y inscrire.

La valeur de la restauration de ces systèmes alimentaires indigènes s’aligne parfaitement à la gestion régénératrice des terres. En gérant durablement les terres qui produisent ces aliments précieux et nutritifs, nous sommes en accord avec la vision des scientifiques qui nous disent qu’une planète saine dépend de la restauration d’un tiers des écosystèmes sauvages du monde. Avec suffisamment de ces écosystèmes qui fonctionnent normalement, nous pourrions restaurer notre air, notre eau, notre sol et notre biodiversité.