Le bio: pas nécessairement la meilleure solution pour la santé du sol?
Nous avons tendance à associer l’idée de prendre soin du sol avec l’agriculture biologique. Cependant, bien que l’un des aspects centraux de l’agriculture biologique soit d’enrichir le sol, il existe un grand mouvement du non-labour au sein de l’agriculture de grandes cultures qui peut être encore plus efficace que certaines pratiques biologiques. Certaines fermes labourent intensivement leur sol et le laissent à nu la plupart du temps tout en étant certifiées biologiques.
Ironiquement, c’est le développement des herbicides qui a permis au mouvement du non-labour de prendre son essor. Dès les années 1960, le mouvement a pris de l’ampleur en réponse à la prise de conscience du fait que le labour était une cause majeure d’érosion et de pollution des cours d’eau.
Jocelyn Michon, pionnier du non-labour
Au Québec, Jocelyn Michon, un agriculteur de grandes cultures de la région de Saint-Hyacinthe, est un pionnier du non-labour. Il cultive 240 hectares de céréales et de légumes destinés à la transformation. Il a systématiquement commencé à se convertir aux pratiques régénératrices du sol à partir des années 1970 en réduisant d’abord le labour, pour ensuite l’abandonner complètement dans les années 1980.
Dans les années 1990, Jocelyn a commencé à pratiquer le semis direct. Le semis direct consiste à planter les semences d’une culture directement dans les résidus de la culture précédente, sans travailler le sol au préalable. Depuis 2003, Jocelyn pratique l’usage intensif d’une grande variété de cultures de couverture. Les cultures de couverture sont des cultures qui sont cultivées non pas dans le but d’être vendues, mais uniquement dans le but de nourrir le sol. Les cultures de couverture que Jocelyn utilise peuvent contenir jusqu’à 14 espèces de plantes différentes.
150 000$ de plus de profit annuel
Plus de trente ans de non-labour et vingt-cinq ans de non-travail du sol ont ainsi créé un sol riche et fertile qui donne des rendements supérieurs à la moyenne, tout en utilisant moins d’intrants chimiques. Jocelyn estime qu’il obtient 150 000 $ de plus de profit annuel que ce qu’il obtiendrait avec l’agriculture conventionnelle, grâce aux rendements accrus ainsi qu’à l’utilisation réduite de machinerie et de produits chimiques. Son utilisation de carburant est d’environ 35 litres par hectare par année, comparativement à 75 litres par hectare par année pour les fermes conventionnelles et jusqu’à 120 litres par hectare par année pour les grandes fermes biologiques.
Jocelyn est souvent victime de critiques de la part de producteurs biologiques parce qu’il utilise du glyphosate dans son système de production. Pourtant, il a fait analyser son sol et ses cultures pour évaluer leur teneur en glyphosate et en AMPA (un résidu toxique de la dégradation partielle du glyphosate que l’on retrouve parfois dans les sols) et ses résultats sont impeccables. Se pourrait-il qu’un sol ayant un microbiome en pleine santé soit capable de biodégrader ces molécules de glyphosate? La question de la nocivité de certains produits chimiques devrait-elle être étudiée avec plus de nuances? Lorsque la solution biologique pour contrôler les mauvaises herbes consiste à labourer davantage, sommes-nous certains que ce soit mieux?
Jocelyn est membre du réseau Régénération Canada. Joignez-vous au réseau vous aussi si vous souhaitez discuter avec lui et avec d’autres pionniers de l’agriculture régénératrice!