Le design thinking : Un moyen de créer un changement systémique dans l’agriculture

Le 2 décembre dernier, Régénération Canada a co-organisé un événement avec Équiterre et Sébastien Angers de la Ferme de l’Odyssée, afin de réfléchir à ce qui inhibe et ce qui propulse le progrès de l’agriculture régénératrice au Québec. Plus de 30 personnes de différents secteurs se sont réunies pour prendre part à cette conversation avec nous.

 

L’agriculture régénératrice prend de l’ampleur. Un grand nombre d’agriculteur·trice·s, d’entreprises, de consultant·e·s, de consommateur·trice·s et même de politiques gouvernementales innovant·e·s s’impliquent et établissent les fondations pour que l’agriculture régénératrice révolutionne notre système alimentaire. En tant que société, nous avons besoin que cela se produise. Si nous voulons obtenir les avantages environnementaux à l’échelle du territoire qui peuvent découler de la gestion régénératrice des terres, celle-ci doit se développer rapidement avant que les changements climatiques ne fassent des ravages dans notre système alimentaire. L’augmentation de la fréquence des sécheresses, des inondations et des incendies constitue une menace réelle et croissante pour notre sécurité alimentaire.

Pourtant, l’agriculture régénératrice est encore loin d’être la norme. Dans tout mouvement en développement, tout commence avec les pionnier·e·s. Mais une tendance doit franchir plusieurs étapes avant de devenir une norme culturelle. Une marée doit s’élever pour créer les conditions favorables à ce qu’une masse critique de gens s’impliquent à la suite des pionnières et des pionniers. Quelles sont ces conditions? Que faudra-t-il pour que notre système alimentaire devienne régénérateur?

C’est la grande question que nous nous sommes posée. Le 2 décembre dernier, Régénération Canada a organisé un événement en collaboration avec Équiterre et des agriculteur·trice·s de notre réseau à la Ferme de l’Odyssée. L’événement a été proposé par Sébastien Angers, un adopteur pionnier très innovateur, et facilité par Geneviève Therrien, une spécialiste de l’innovation sociale et du design thinking. L’idée était de faire une séance de brainstorming collectif avec un petit groupe de différent·e·s acteur·trice·s impliqué·e·s dans le système alimentaire. Nous avons réuni des agriculteur·trice·s régénérateur·trice·s, des consultant·e·s, des acheteur·e·s, des distributeur·trice·s et des transformateur·trice·s d’aliments, ainsi que des consommateur·trice·s pour une journée créative de réflexion hors des sentiers battus.

 

Sébastien Angers montre au groupe un profil du sol sous ses cultures de couverture à la Ferme de l’Odyssée.

 

La journée a commencé par une visite des champs de la ferme, où l’on a pu observer les cultures de couverture de Sébastien, encore vertes dans l’air frais de décembre, et examiner un profil du sol. Sébastien a partagé avec le groupe son parcours et les défis qu’il a rencontrés pour devenir agriculteur régénérateur. Depuis 2020, il a établi un partenariat avec Prana Bio, une entreprise qui commercialise des mélanges de noix, de graines et de fruits secs. Il a commencé à cultiver des citrouilles à graines sans coque pour fournir des graines de citrouille à Prana. Sébastien et Marie-Josée Richer, la fondatrice et directrice de Prana, souhaitent les commercialiser avec une étiquette régénératrice.

Après que nous nous soyons réfugié·e·s au chaud à l’intérieur pour un délicieux dîner, Geneviève nous a guidé·e·s dans des exercices de groupe où nous avons joué avec des notes autocollantes et de grandes feuilles de papier, et même fait quelques oeuvres d’art en groupe, pour ouvrir nos esprits et exprimer notre créativité collective.

L’une des questions cruciales auxquelles nous sommes confronté·e·s est de savoir comment communiquer à l’ensemble de la société ce qu’est l’agriculture régénératrice. Il existe une énorme confusion. Beaucoup de gens n’en ont jamais entendu parler, d’autres n’ont qu’une vague idée de ce que c’est. Un certain type de certification est-il nécessaire pour apposer l’étiquette régénératrice sur nos produits? Comment cela doit-il être fait? De nombreuses personnes hésitent à suivre la voie de la certification biologique. Elles estiment que celle-ci place la barre trop haut pour de nombreux·ses agriculteur·trice·s. Bien que la certification ait réussi à faire croître le mouvement bio, l’agriculture biologique représente moins de 5 % de toutes les terres agricoles au Canada. Nous devons reconnaître que la régénération est un cheminement et qu’elle doit être accessible à un plus grand nombre d’agriculteur·trice·s si nous voulons obtenir l’adoption à grande échelle nécessaire. Est-ce que les agriculteur·trice·s devraient être payé·e·s pour fournir des services écosystémiques? Comment cela devrait-il se faire? Certaines personnes sont réticentes à l’idée d’emprunter la voie des marchés du carbone. Elles craignent d’isoler et de monétiser le carbone sans reconnaître que d’autres services écosystémiques tels que l’infiltration de l’eau et la biodiversité vont de pair avec le carbone du sol. Un écosystème vivant et sain se mesure à bien d’autres choses que le carbone.

 

Une participante explique l’histoire élaborée par son groupe racontant comment chacune des différentes parties prenantes a contribué à faire de l’agriculture régénératrice la norme d’ici 2030.

 

Nous avons passé un moment très convivial, et avons trouvé de nombreux points communs dans nos réflexions. Tout le monde était d’accord pour dire que le changement doit être soutenu par de multiples parties prenantes ayant une vision commune, et que les agriculteur·trice·s régénérateur·trice·s doivent montrer la voie. Néanmoins, nous n’avons pas répondu à toutes les questions. En effet, des questions complexes comme celles-ci nécessitent un grand nombre de discussions. Nous pensons qu’une large consultation avec une multitude de parties prenantes est le moyen de parvenir à des solutions qui seront efficaces. Trop souvent, les solutions sont générées par un groupe de parties prenantes sans consultation adéquate et, en fin de compte, elles ne sont pas efficaces. En tant qu’organisation qui réunit un large groupe d’intervenant·e·s, nous pensons que Régénération Canada et ses partenaires ont un rôle à jouer pour continuer à faciliter ces conversations menées par les agriculteur·trice·s. Dans le cadre du processus de design thinking, nous réunissons des personnes ayant des points de vue différents pour leur demander comment communiquer et établir la confiance entre les différents secteurs du système alimentaire. Nous recherchons des solutions émergentes. Personne n’a toutes les réponses, mais c’est en se rencontrant et en s’écoutant les uns les autres que les solutions naissent.

 

Notre journée de design thinking n’est qu’un début, alors que nous commençons à avoir ces conversations importantes avec davantage de groupes de parties prenantes.

 

Consultez le rapport officiel de cette journée en suivant ce lien. Pour lire le point de vue d’un participant sur l’événement, consultez l’article de Paul Caplette intitulé « Santé des sols : Le pouvoir de la cocréation”.