La chemise en flanelle de 50 ans

Becky Porlier, Upper Canada Fibreshed

Lorsque James Craig, agriculteur ontarien et membre du conseil d’administration de Régénération Canada, a rencontré Becky Porlier au Symposium Sols vivants l’année dernière, il a eu un éclair de génie. Becky présentait ce qu’elle fait avec Upper Canada Fibreshed. Lorsqu’on pense à la gestion de terre agricole pour atténuer les changements climatiques, on pense souvent à l’agriculture et à la production d’aliments. On néglige souvent de penser à la production de fibre qui a un impact énorme sur la terre (tout dépendant si la production est gérée de manière régénératrice ou non). Les industries du textile et du bâtiment ont donc un rôle important à jouer dans la gestion des terres régénératrice.

Upper Canada Fibreshed a été inspirée par l’initiative Fibershed en Californie. Les deux organisations réunissent des agriculteurs et des artisans textiles pour promouvoir la production locale et durable de produits textiles à base de fibres naturelles produites localement.

“La flannelle est mon armure”

James Craig sur sa terre en Ontario

James est amoureux des chemises en flanelle. L’idée d’avoir une chemise en flanelle à partir de fibres locales fabriquées par un artisan local l’a emballé.
« La flanelle est mon armure. C’est tellement utile et ça peut être porté presque toute l’année. C’est flexible, confortable et tout à fait stylé. Mais surtout, il y a quelque chose qui fait vibrer mon cœur avec l’idée que mon armure soit fabriquée à partir des sols sur lesquels je travaille et par les gens des communautés auxquelles j’appartiens. »

Il a contacté Becky qui lui a recommandé de parler à Deborah Livingston-Lowe, une tisserande de Toronto qui dirige Upper Canada Weaving. Deborah est une fervente défenseuse des textiles de style ontarien du XIXe siècle. Elle est fascinée par la filature et le tissage depuis qu’elle est enfant et elle a une entreprise spécialisée dans la consultation, la production et la réparation de textiles.

Développer de la flanelle locale

Deborah Livingson-Lowe à son métier à tisser

Lorsque James l’a contactée pour commander sa chemise en flanelle, Deborah a aussitôt accepté. Mais elle l’a prévenu, ce ne serait pas rapide, simple ou bon marché. Elle n’avait jamais fait de flanelle à partir de laine, donc beaucoup de recherche et de développement allaient être nécessaires. Bien que la flanelle ait été à l’origine fabriquée à partir de laine, originaire du Pays de Galles au 17e siècle, de nos jours, la flanelle est normalement fabriquée à partir de coton, et non d’une fibre locale du Canada. La première étape consistait donc à s’approvisionner en laine de différentes races de moutons, à trouver la meilleure façon de la filer pour en faire un tissu de type flanelle, puis à trouver la meilleure façon de la tisser et de la brosser pour obtenir la texture douce et duveteuse de la flanelle.

Réunir le talent des artisans locaux

Le projet va également nécessiter l’opinion de plusieurs artisans. Premièrement, différents échantillons de laine doivent être nettoyés et envoyés pour être filé à Wellington Fibers, une usine à Elora, en Ontario. Ils font la filature selon les spécifications de Deborah. Elle expérimente ensuite avec le tissage. Après avoir coupé le tissu à tisser, il est brossé dans une machine à manivelle qui s’appelle une nappeuse. Cela rend le tissu lisse, ce que Deborah recherche afin d’obtenir la texture de flanelle moelleuse.

Échantillon du tissage pour la flanelle

Une fois qu’elle est satisfaite du type de laine et qu’elle a choisi la bonne technique de tissage pour obtenir la texture du tissu qu’elle recherche, Deborah enverra la laine à un autre ami artisan qui teint la laine en petits lots avec des pigments naturels. James a choisi le blanc et le bleu pour sa chemise. Ensuite, la laine teinte sera tissée dans le tissu de flanelle par Deborah. Une fois le tissu produit, elle l’enverra à un autre ami passionné du textile, un tailleur à Blyth en Ontario, qui coudra la chemise.

“Slow Fashion” pour des vêtements durables

James est conscient que lorsqu’il aura enfin sa chemise, le coût sera de plusieurs centaines de dollars ; une tentative de compenser les heures de travail que chacun a consacrées à sa création. James sait que cette chemise sera d’une telle qualité qu’elle pourrait durer 50 ans. Il plaisante en disant qu’il le laissera pour un futur petit-enfant dans son testament.

Quant à Deborah, elle la voit comme un processus de R+D (recherche et développement) qui peut être la base de plusieurs autres projets. Ce sera peut-être même le début d’un mouvement, si l’idée du « slow fashion » (modèle de mode avec un processus de production plus long) et de la fibre régénératrice pour atténuer le changement climatique fait son chemin. En attendant, elle et ses amis amoureux du textile apprécient pleinement ce qu’ils font !

Rejoignez l’édition 2020 du Symposium Sols vivants en mars pour rencontrer d’autres passionnés de l’agriculture régénératrice et développer des collaborations comme celles de James et Becky !

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