Une vision pour une agriculture plus pérenne

Noyer noir, Au jardin des noix, Québec. Photo par Ananda Fitzsimmons.

Récemment, le thème des cultures pérennes est devenu plus connu du public suite à une publication d’Eric Toensmeier parue en juillet. Alors que le travail de Toensmeier se concentre sur un contexte mondial, quelles cultures pérennes sont indigènes au Canada? De nombreux agriculteurs régénérateurs commencent à réfléchir à ce qu’était le paysage autochtone pour leur zone écologique et commencent à réintégrer des plantes indigènes dans leur production.
Dans le nord-est de l’Amérique, le paysage était boisé et les noix étaient un aliment de base dans l’alimentation des peuples autochtones. Aujourd’hui, une grande partie de ces terres ont été déboisées et les terres agricoles se concentrent principalement sur la production de cultures annuelles telles que le maïs, le soja et le blé. Un nombre restreint, mais croissant d’agriculteurs tentent de rétablir des arbres à noix du nord et de créer une industrie agroforestière basée sur des noix indigènes locales.
Producteurs de noix au Canada
Je suis tombée sur deux organisations qui soutiennent et mettent en relation les producteurs de noix, le CPNCQ (Club des producteurs de noix comestibles du Québec) et la SONG (Society of Ontario Nut Growers). L’un des premiers pionniers de la résurgence des cultures de noix au Canada était Ernie Grimo, fondateur de la pépinière Grimo Nut Nursery à Niagara-on-the-Lake, en Ontario. Ernie, un enseignant à la retraite passionné par la reproduction et la multiplication des arbres à noix, a commencé dans les années 70. Les noyers, les noisetiers, les châtaigniers, les pacaniers et les caryers poussent tous bien dans l’est du Canada. Ernie Grimo fait partie d’un nombre croissant de sélectionneurs de semences passionnés qui adoptent des variétés adaptées à la production commerciale dans différentes régions.
J’ai parlé avec Giulio Neri, président du CPNCQ. Technicien forestier à l’origine et maintenant enseignant au Centre de formation professionnelle de Beauharnois, il a aidé des agriculteurs à installer des arbres comme brise-vent intercalaires entre les champs de culture. Le club a un site Internet qui présente tous les producteurs de noix du Québec. Un nombre croissant d’agriculteurs plantent des arbres à noix soit comme allées entre les champs de culture, soit comme vergers pour éventuellement fournir une source de revenus supplémentaire.
Jesse Argent, propriétaire de Havenloft Tree Nursery à l’Île-du-Prince-Édouard, s’est tourné vers la culture de noix et de noisettes noires lorsqu’il a démarré l’entreprise en 2014, tournant le dos à une carrière de gestionnaire de fonds communs de placement au profit de ce qu’il considère comme un investissement véritablement durable. Son verger domestique de 8 acres était à l’origine en rotation de maïs et de soja. Maintenant, il est composé principalement de noix et de noisettes, avec des baies de sureau, de camerise et de cassis. Jesse vend des semis et aide les autres à démarrer leurs plantations. Il s’intéresse à la création de marchés pour les produits agroforestiers, et le potentiel est varié et très intéressant. Du bois, à la viande à base de noix pour une protéine végétarienne, à l’extrait de juglone pour la teinture et les colorants, au sirop de noix, il existe de nombreuses possibilités pour l’industrie basée sur l’agroforesterie. Une fois que la production de noix est établie, le potentiel de revenus à l’acre est beaucoup plus élevé que pour les cultures annuelles.
De la ferme au consommateur
Mais ces marchés et ces flux de distribution doivent encore être développés pour que les noix du Nord deviennent une option de revenu fiable. Aujourd’hui, la plupart des producteurs de noix vendent directement de leurs fermes. Une de ces entreprises en démarrage, Noix du Nord, tente de donner aux consommateurs le goût des délices subtils des noix du Nord locales. Julie Parent Taillon, propriétaire et fondatrice de Noix du Nord à Montréal, Québec, achète des noix à de nombreux petits producteurs et les vend aux restaurants et au Marché Angus, un marché fermier à Montréal. Elle adore offrir aux acheteurs des dégustations de noix de noyer noirs, de de noyers du Japon, de noyers cendrés et de châtaignes, en soulignant les délicates notes de citron ou de myrtille dans diverses noix. Julie espère un jour pouvoir faire pousser ses propres arbres à noix. En attendant, elle fait de son mieux pour communiquer sa passion et s’assurer qu’il y aura une demande pour ses noix le jour venu.

Châtaignier, Au jardin des noix. Photo par Ananda Fitzsimmons.

Aujourd’hui, la plupart de nos options de protéines végétariennes sont basées sur des cultures annuelles comme le soja et les pois, des cultures qui ont des racines peu profondes et impliquent généralement de labourer le champ. Imaginez si nous pouvions fournir une partie importante de nos besoins en protéines à partir de plantes vivaces robustes qui ne nécessitent aucun labour, peu d’entretien et, une fois établies, qui donnent des récoltes abondantes? Nous sommes encore loin de cela, mais un nombre croissant de pionniers ouvrent la voie à une agriculture pérenne plus durable et changent ce qui est dans nos assiettes.