Comprendre le contexte en agriculture régénératrice

En tant qu’humains, nos actions sont influencées par de nombreux facteurs, notamment notre environnement, notre communauté et notre situation financière. Dans la gestion régénératrice des terres, la compréhension du contexte soulève des questions telles que : Le choix des cultures correspond-il au climat de croissance? Qui est impliqué dans l’exploitation agricole? Connaître le contexte dans lequel un paysage agricole est géré peut nous aider à reconnaître les obstacles ou les possibilités d’amélioration.


 

Bienvenue à l’article inaugural de la série Récits de Régénération!

Nous sommes ravies que vous ayez choisi de nous suivre dans cette aventure à travers les paysages verdoyants du Canada, où nous allons à la rencontre de gens passionnés qui pratiquent l’agriculture régénératrice comme moyen de réimaginer les systèmes alimentaires.

Cette série de 10 articles explorera les riches systèmes alimentaires du Canada et le pouvoir transformateur de l’agriculture régénératrice. Elle mettra en vedette les fermes visitées lors de notre tournée transcanadienne estivale pour Récits de Régénération.

L’agriculture canadienne est aussi variée que ses paysages, avec leurs différents climats, types de sol et variétés de cultures. Les fermes présentées dans cette série incarnent parfaitement les pratiques régénératrices en action. Leurs histoires nous inspirent et nous instruisent. Ces articles seront complémentés par une offre multimédia composée de balados et de capsules vidéo, ainsi que par une série de webinaires éducatifs.

Merci d’embarquer dans cette exploration avec nous! Nous célébrerons et approfondirons notre compréhension des champion·ne·s de l’agriculture canadienne : ces producteur·rice·s et éleveur·euse·s qui sont des pionnier·e·s de la recherche et de l’application de solutions pour atténuer les changements climatiques.

 

Comprendre l’agriculture régénératrice

Le terme « régénération » renvoie ici à la restauration de la santé optimale de la terre, des écosystèmes et des communautés en mettant l’accent sur la santé du sol, la biodiversité, les fonctions écosystémiques, le bien-être humain et le climat. Enracinées dans les savoirs autochtones et paysans du monde entier et soutenues par la science moderne, les pratiques de l’agriculture régénératrice impliquent de cultiver une compréhension entre les producteur·rice·s et les gestionnaires de la terre, en mettant l’accent sur l’entretien des sols et les interconnexions.

Par l’adoption de pratiques telles que les cultures de couverture, la rotation de cultures, les cultures intercalaires, le travail réduit du sol et l’intégration du bétail, ces agriculteur·rice·s s’affairent à reconstituer la fertilité des sols afin de séquestrer plus de carbone, retenir plus d’eau, et ainsi rendre leurs fermes plus résilientes. Les avantages vont bien au-delà des limites de la ferme — possiblement jusqu’à une révolution de la production alimentaire, favorisée par des collaborations pro-innovation entre agriculteur·rice·s, scientifiques, et décideur·euse·s politiques.

Ce mouvement bénéficie aux écosystèmes en rassemblant producteur·rice·s, chef·fe·s, scientifiques, et consommateur·rice·s soucieux·ses de leurs choix. Au fil de cette série, nous allons mettre en lumière les dix principes directeurs de l’agriculture régénératrice qui sont au cœur de la mission de Régénération Canada. Chaque article vous fera découvrir un nouvel aspect du monde transformateur de l’agriculture régénératrice!

 

L’importance du contexte

Commençons par la compréhension du contexte, un aspect central de l’agriculture régénératrice. Le contexte, ce sont les circonstances qui influencent notre perception d’une situation et la manière à laquelle nous y réagissons. Il comprend des facteurs comme le climat, le type de sol, la taille de l’exploitation, la communauté, les finances, les valeurs personnelles et les objectifs : toute une panoplie d’influences qui façonnent le parcours régénérateur de chaque agriculteur·rice. Bien compris, ce contexte sert de guide à la démarche de transformation qui sera adoptée.

Plusieurs questions doivent être posées : Qui gère la ferme? S’agit-il d’une personne seule, d’une famille intergénérationnelle, ou d’une situation intermédiaire? Quelles cultures poussent bien dans ce sol et ce climat? Quelles valeurs guident la personne gestionnaire des terres? Quelles sont ses aspirations et comment prend-elle ses décisions? Comprendre le contexte permet de déceler les facteurs conduisant à l’adoption de bonnes pratiques régénératrices, mais aussi les obstacles à leur adoption.

 

Le contexte canadien

Une serre verdoyante à la ferme communautaire Alimentation Juste à Ottawa, en octobre 2023. Photo : Sara Maranda-Gauvin, Régénération Canada

Cet été, Régénération Canada a visité 10 fermes dans 8 provinces. Des vastes plaines du Manitoba à un terrain partagé à Ottawa, les contextes étaient multiples. Ryan Boyd de South Glanton Farms, situé près de Brandon au Manitoba, élève du bétail et produit des céréales sur quelques centaines d’hectares avec sa famille et un employé à temps plein. Sa première motivation est de donner à ses enfants une saine éducation rurale.

Par contraste, Sun Shan de Chi Garden à Ottawa exploite sa ferme avec son conjoint Li Bo sur un terrain partagé appartenant à l’organisation Alimentation Juste. Ce duo est motivé avant tout par le souhait d’encourager la créativité culinaire et de reconnaître les aspects culturels de la nourriture.

Rachel Lightfoot, de Lightfoot & Wolfville Vineyards en Nouvelle-Écosse, exploite un vignoble avec ses parents et ses sœurs. La famille Lightfoot est motivée par les liens que les êtres humains peuvent tisser entre eux-mêmes et les espaces qu’ils habitent. Avec l’aide de plusieurs employé·e·s, la famille communique son récit au moyen du vin et des aliments préparés avec des ingrédients cultivés sur place.

À la Fromagerie La Station au Québec, la famille Bolduc offre un brillant exemple d’engagement en faveur des pratiques de l’agriculture régénératrice et du bien-être des vaches élevées au pâturage. Les Bolduc sont animés par des valeurs ancrées dans la biodiversité, la santé des sols, le bien-être animal et le bien-être des travailleur·euse·s ; ils trouvent important de prendre soin de tout ce qui vit à la ferme. De plus, leur approche holistique s’étend à la production de sirop d’érable et de fromage de qualité exceptionnelle.

Des vaches laitières profitent de leur étable modernisée à la Fromagerie La Station au Québec, en septembre 2023. Photo : Geneviève Leblanc, Régénération Canada

L’agriculture canadienne, qui constitue environ 7 % de l’économie du pays, est pratiquée sur une large gamme de types et de tailles d’exploitations. La taille moyenne d’une ferme au Canada varie entre 152 acres à Terre-Neuve & Labrador et 1 668 acres en Saskatchewan. En 2021, les productions d’oléagineux et de céréales représentaient la plus grande proportion (34 %) des fermes au Canada, suivies des élevages de bœuf et des parcs d’engraissement (21 %).

La forte demande pour les produits biologiques a fait grimper de 32 % le nombre de fermes qui déclarait faire de la production biologique en 2021 par rapport au recensement précédent, de sorte que les exploitations biologiques représentent désormais 3 % de l’ensemble des fermes.

Le Canada peut se vanter de sa capacité impressionnante de produire une grande diversité d’espèces végétales et animales. Notre équipe a eu l’énorme chance de vivre l’hospitalité et la passion des agriculteur·rice·s à qui nous avons rendu visite afin de mieux comprendre les contextes tout particuliers dans lesquels elles et ils évoluent.

 

 

Défis et opportunités : L’agriculture de l’avenir

La taille moyenne des fermes au Canada a presque doublé depuis 50 ans, dû à des avancées technologiques et la consolidation des terres. En même temps, le nombre de fermes de petite ou moyenne taille a baissé, ce qui affecte le paysage rural et la dynamique des différentes régions du pays. La situation est aggravée par le vieillissement de la population d’agriculteur·rice·s, dont l’âge moyen est dorénavant de 56 ans. En 2021, plus de 60 % des producteur·rice·s agricoles étaient âgé·e·s de 55 ans et plus, alors que seulement 8 % étaient âgés de 35 ans ou moins. Un constat préoccupant : l’ampleur de la relève est actuellement insuffisante pour assurer la continuité des fermes existantes.

Parmi les obstacles qui confrontent les jeunes à la recherche d’une porte d’entrée au secteur agricole, le coût de la terre en est un de taille. Cet enjeu risque de diminuer le nombre de jeunes qui se permettront d’envisager l’agriculture comme carrière, et donc d’entraîner une pénurie d’agriculteur·rice·s qualifié·e·s à l’avenir.

L’année 2021 a vu pour la première fois un accroissement substantiel du nombre d’exploitantes agricoles au Canada depuis trois décennies. L’Ontario déclarait le plus grand nombre de fermes exploitées par des femmes (26,2 % du total canadien), suivie de l’Alberta, la Saskatchewan et le Québec, tandis que la Colombie-Britannique se vantait du plus grand rapport d’exploitantes aux exploitants (39,7 %). Cette hausse notable s’explique essentiellement par la progression des fermes menées par une seule exploitante et représente une tendance positive vers la diversité et les nouvelles perspectives dans le secteur. C’est également un signe de la reconnaissance accrue des contributions des femmes à l’agriculture.

 

Variations régionales

Figure 1: Les ordres de sol du Canada. Source : Université de Saskatchewan

 

Il existe au Canada dix ordres de sol (Fig. 1). Chaque ordre est séparé en grands groupes et sous-groupes selon les caractéristiques de son matériau parental, ce qui nous renseigne sur la composition chimique, le contenu en matière organique et la granulométrie (texture) du sol.

Dans la région des Prairies, ce sont les chernozems qui dominent. Ces sols ont une forte teneur en matière organique, sont plutôt arides, et conviennent donc mieux à la production de bétail, de fourrages, de légumineuses, d’oléagineux et de céréales à paille.

Des piémontaises dans un paysage des Prairies chez Peony Farms en Alberta, en septembre 2023. Photo : Hamaka Creativity Lab

Par contraste, le Bouclier canadien qui s’étale sur la partie nord-centrale et orientale du pays est composé largement de podzols et de brunisols. Les conditions acides créées par les podzols sont surtout adaptées aux forêts de conifères. Les brunisols, quant à eux, ressemblent aux podzols mais offrent des conditions supérieures pour l’agriculture.

Le Canada peut être divisé en trois grandes régions climatiques : les territoires arctiques et subarctiques du nord ; les régions du centre et de l’est, caractérisées par leur climat tempéré ; et les régions côtières le long des océans Pacifique et Atlantique. Les conditions climatiques particulières de chacune de ces régions déterminent les pratiques agricoles qui y ont cours.

L’agriculture primaire au Canada est concentrée dans les Prairies, le Québec et le sud de l’Ontario. C’est le climat tempéré du centre du pays et la disponibilité des terres dans les Prairies qui rendent ces régions aptes à l’agriculture. Le Québec et l’Ontario ensemble hébergent plus de 40 % des fermes canadiennes, tandis que les provinces des Prairies abritent 47 % des fermes et plus de 82 % des terres agricoles.

 

Comment se fait-il qu’une culture donne des résultats différents d’une région à l’autre?

La température, les précipitations et les degrés-jours de croissance sont autant de facteurs qui déterminent la possibilité de produire diverses cultures dans une région donnée.

 

La chaleur et les degrés-jours de croissance :

Les conditions de croissance dans une région sont largement tributaires de la température, telle que mesurée en degrés-jours de croissance (DJC). Par exemple, les bananes poussent mieux à 31–32 ºC et cessent de croître quand la température tombe en deçà de 10 ºC, ce qui en fait une culture inadaptée au climat du Canada.

Mais même à l’intérieur du pays, le principe des DJC permet de distinguer entre régions mieux et moins bien adaptées aux différentes cultures. À titre de comparaison, l’Ontario, avec ses hivers doux et ses longs étés chauds, est le premier producteur canadien de maïs-grain, qui nécessite 2 700 DJC ; la Saskatchewan, avec ses longs hivers froids et son environnement semi-aride, arrive au premier rang pour ce qui est de la production de blé de printemps, qui n’en nécessite que 1 200.

C’est-à-dire que la valeur du paramètre DJC, qui est fonction de la température, donne lieu à des niches de croissance uniques. Ces variations sont des éléments essentiels du contexte régional du Canada qu’il faut comprendre si l’on veut choisir les cultures les mieux adaptées aux différentes zones de croissance.

 

Des pêches poussent sur les terres de la Snowy Mountain Farm à Cawston, en Colombie-Britannique, en septembre 2023, grâce au climat chaud et sec de la région. Photo : Hamaka Creativity Lab

La durée d’ensoleillement :

Tout comme les DJC, la durée d’ensoleillement dans chaque région s’avère un déterminant crucial de la production agricole. Plus cette durée est longue, et plus la saison de croissance est longue et les rendements sont généreux. C’est que la lumière du soleil est essentielle à la photosynthèse, le processus par lequel les plantes fabriquent le sucre et l’oxygène à même le CO2 et l’eau.

À titre d’exemple, la vallée d’Okanagan en Colombie-Britannique possède un climat sec et chaud avec une durée d’ensoleillement élevée : en moyenne 2 000 heures de soleil par an. Ces conditions en font une région idéale pour la culture de pommes, de raisins et de noix, qui nécessitent beaucoup de lumière.

Le climat du sud de l’île de Vancouver et de la vallée du Fraser dans cette même province offrent un climat plus tempéré avec une moyenne annuelle d’environ 1 500 heures d’ensoleillement. Les petits fruits, les légumes et les champignons sont mieux adaptés à cette région, qui peut quand même supporter des arbres fruitiers, bien que ces derniers tardent plus longtemps à arriver à maturité. Cette différence entre les périodes de maturation des fruits illustre la remarquable diversité des paysages agricoles au Canada tout en soulignant l’importance d’une bonne compréhension des facteurs contextuels afin de choisir des pratiques agricoles adaptées à chaque région.

 

Les précipitations :
Les précipitations jouent également un rôle essentiel. Le riz, dont la culture demande beaucoup d’eau, est mal adapté au climat du Canada. Mais les régions plus arides du pays, comme les provinces des Prairies, s’accommodent bien à la production de légumineuses, d’oléagineux et de céréales à paille.

 

Au bout du compte, c’est le contexte qui est maître. Les climats et les paysages agricoles variés du Canada déterminent le contexte unique de l’agriculture régénératrice dans chaque région. C’est ce contexte régional qui nous permet de comprendre les cultures qui y poussent bien, les méthodes qui donnent de bons résultats et les défis qui confrontent les agriculteur·rice·s.

Mais le contexte comprend finalement toute la panoplie d’influences qui façonnent le parcours de chaque agriculteur·rice, bien au-delà du choix de cultures. Du climat aux types de sol en passant par les valeurs personnelles et les aspirations, chaque facteur est un fil dans la grande tapisserie de l’agriculture régénératrice.

L’aventure ne fait que commencer! La tournée Récits de Régénération a mis en évidence la diversité de l’agriculture canadienne et la passion des pionnier·e·s de la régénération. Au fil de cette série, nous explorerons davantage comment ces divers contextes façonnent la démarche agricole au Canada. Il faut comprendre les opportunités et les défis présentés par le paysage agricole — dont, notablement, le vieillissement de la population agricole et la hausse du coût de la terre — afin de trouver des solutions sensibles au contexte qui mèneront à un avenir plus résilient et régénérateur pour toutes et tous.

 


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Si vous avez des questions ou des commentaires sur les sujets abordés dans ce blog, veuillez contacter notre Chargée de l’éducation et de la recherche à l’adresse suivante : paige@régénérationcanada.org. Si vous avez des questions relatives à la campagne Récits de Régénération, veuillez contacter notre Chargée de campagne à l’adresse suivante : alieska@régénérationcanada.org.