Intégrer le bétail et garantir leur bien-être en agriculture régénératrice

Avec l’agriculture régénératrice, le bien-être animal va au-delà des principes de base d’une manipulation peu stressante et de soins généraux. Il s’agit ici de garder le plus possible le bétail au champ, de bien planifier dans le temps, d’avoir des infrastructures adaptées et une sélection de races qui s’adaptent à l’environnement. Il en découle une relation de symbiose entre la terre et les animaux, résultant en des animaux plus heureux et en meilleure santé, et des aliments plus denses en nutriments.


 

L’intégration harmonieuse du bétail est un principe fondamental de l’agriculture régénératrice. Lorsqu’ils sont gérés consciencieusement, les animaux jouent un rôle essentiel pour boucler le cycle des nutriments et soutenir des écosystèmes résilients.

Dans cet article, nous explorons comment des fermes régénératrices telles que la Fromagerie La Station au Québec et South Glanton Farms au Manitoba sont des modèles pour le pâturage planifié, le bien-être animal et la diversification agricole. Leurs approches démontrent comment le bétail peut être un atout régénérateur, promouvant le bien-être animal tout en nourrissant la terre.

Rejoignez-nous dans cette exploration de la relation symbiotique entre les ruminants et les agroécosystèmes, et pour découvrir comment les agriculteur·rice·s peuvent tirer parti des comportements naturels des troupeaux pour la régénération du sol et la résilience des systèmes alimentaires.

 

Ryan Boyd de South Glanton Farms au Manitoba s’amuse avec ses invité·e·s lors de la tournée Récits de Régénération, à la mi-août 2023. Nous le voyons ici en train de présenter l’un de ses pâturages régénérés grâce à la méthode du pâturage tournant à haute densité. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

South Glanton Farms


Gérée par Ryan Boyd, avec ses parents, son épouse et leurs deux jeunes enfants, South Glanton Farms est une exploitation multigénérationnelle de céréales et de bétail située au nord de Brandon, à la lisière de la région des fondrières des Prairies. Ils élèvent principalement des bovins de race Black Angus et, la saison dernière, ils ont assisté au vêlage de quelque 400 vaches. Ils s’appuient sur diverses pratiques d’agriculture régénératrice pour promouvoir le bien-être des animaux, notamment le pâturage en rotation, la manipulation à faible stress et la sélection rigoureuse d’animaux adaptés au climat.

Ryan est particulièrement passionné par l’aspect bovin de l’exploitation et est toujours en quête de moyens nouveaux et innovants pour gérer son troupeau et en améliorer le bien-être. Le plan de pâturage, qui permet au bétail de paître en plein air pendant la majeure partie de l’année, fait l’objet d’une grande fierté pour Ryan et sa famille.

Le fait d’avoir été sélectionné comme boursier Nuffield Canada (un prestigieux programme de leadership rural destiné aux agriculteur·rice·s influent·e·s) en 2019 a donné à Ryan l’élan mental dont il avait besoin pour mettre en œuvre le plan innovant de gestion des pâturages qu’il avait concocté afin de remédier à la fluctuation du potentiel de rentabilité de la ferme familiale.

 

Qu’est-ce qu’un plan de gestion des pâturages?

En créant un plan de gestion des pâturages dynamique et adaptable, les producteur·rice·s peuvent s’assurer que leur bétail et leurs pâturages prospèrent. Les plans de gestion des pâturages tiennent compte des besoins du bétail, de l’état des pâturages et des ressources à disposition, comme le temps et la main-d’œuvre, ainsi que l’accès à l’eau, aux clôtures et aux terres.

Sur la base de ces facteurs, l’éleveur·euse décide de la fréquence des déplacements du bétail, de la superficie de terre à accorder à chaque animal, de la densité du troupeau appropriée dans le contexte donné et du temps à prévoir entre les périodes de pâturage. Dans l’agriculture régénératrice, ces décisions sont prises dans le but d’améliorer l’état du sol et de l’environnement dans lequel l’éleveur·euse travaille. L’observation continue et l’adaptabilité sont des éléments clés d’un plan de gestion des pâturages efficace.

 

La Ferme Pierre Bolduc, mieux connue sous le nom de Fromagerie La Station


La Fromagerie La Station est une ferme laitière biologique de 1 050 acres, dont 115 sont consacrés au pâturage. D’autres parties de la propriété servent à la production de foin et de céréales, et d’autres encore sont boisées. La ferme se trouve dans la vallée de la rivière Coaticook au Québec, haut lieu de l’agri-tourisme et de la gastronomie. Elle est exploitée en grande partie par les trois fils Bolduc, soutenus par leurs parents Pierre et Carole. Leurs vaches laitières sont élevées en pâturage depuis quatre générations, pendant lesquelles la ferme a évolué vers la production de fromages de renommée, de sirop d’érable, de céréales et d’autres denrées agricoles biologiques.

La philosophie de la famille Bolduc met l’accent sur la sensibilisation du grand public au travail agricole, la promotion du bien-être humain et animal, et la création de valeur durable par l’application de pratiques régénératrices. Les vaches sont traitées avec le plus grand soin : les Bolduc accordent une attention particulière à leurs besoins, en leur offrant des pâturages diversifiés et des étables bien conçues, comme nous le verrons plus bas.

 

Le bien-être animal est au cœur de l’aménagement des étables de la Fromagerie La Station, au Québec, où les vaches bénéficient de rails d’alimentation flexibles, de brosses automatisées, d’un plancher en caoutchouc et d’autres commodités. Crédit photo : Geneviève Leblanc, Régénération Canada

 

Le bien-être animal dans l’agriculture régénératrice


À La Station, la longévité du troupeau, la production de lait, la propreté et la détente sont des indicateurs clés du bien-être des vaches. Les vaches en pâturage ont accès à deux étables configurées en stabulation libre et équipées pour leur confort, ce qui diminue la nécessité de la gestion humaine. Dans les étables, les vaches marchent sur des tapis en caoutchouc rembourrés, se font gratter le dos grâce à des brosses automatisées et bénéficient d’une abondance de lumière naturelle. Les Bolduc surveillent les champs électromagnétiques pour enlever les courants parasites des systèmes électriques, car ces fréquences peuvent représenter un stress important pour les vaches, qui y sont très sensibles. Une attention particulière est également portée à la qualité de l’eau. Dans les pâturages, des haies brise-vent offrent de l’ombre et de l’abri aux vaches. En gérant consciencieusement la terre et le bétail, les agriculteur·rice·s contribuent à la santé des sols, au bien-être animal, à la gérance environnementale et à la production d’aliments de haute qualité.

 

Les vaches laitières passent beaucoup de temps en pâturage à la Fromagerie La Station, au Québec, où le bien-être animal est la principale priorité. Crédit photo : Geneviève Leblanc, Régénération Canada

 

Le pâturage planifié


Le pâturage planifié est une méthode par laquelle le déplacement des vaches et leur impact permettent de régénérer les sols dégradés. Avec cette méthode, calquée sur les mouvements des troupeaux sauvages, des ruminants tels que les vaches ou les moutons sont mis en pâturage là où le sol est trop pauvre pour produire des cultures, recyclant ainsi la biomasse végétale non comestible en nutriments organiques. Le pâturage et les dépôts de fumier qui en résultent favorisent la croissance des plantes, renforcent la symbiose entre le sol et les plantes par le biais des exsudats racinaires et, à terme, créent un écosystème plus résilient. Cette pratique régénératrice tire parti des comportements innés des animaux d’élevage, faisant d’eux des acteurs contribuant à la bonne santé des sols et à la régénération globale des terres.

Alors que les animaux non gérés peuvent rapidement détruire la végétation et compacter le sol, le pâturage planifié est bénéfique pour le sol à plusieurs égards :

• Accroissement de la résilience face aux sécheresses et de la capacité de rétention d’eau : Le pâturage planifié stimule le développement de systèmes racinaires plus profonds et denses, créant des voies pour l’infiltration de l’eau. Cela améliore la structure du sol et sa capacité à résister à la sécheresse et à l’érosion. En évitant le surpâturage, les systèmes de pâturage bien planifiés réduisent également la compaction, améliorant ainsi la capacité du sol à absorber et retenir l’eau.

• Amélioration de la fertilité du sol : Le pâturage et le piétinement facilitent la décomposition de la matière végétale, nourrissant la microbiologie du sol. Le sol est ainsi enrichi en matière organique et sa fertilité se trouve améliorée.

• Séquestration du carbone : Les pâturages bien planifiés favorisent des communautés denses de plantes et d’organismes, tant au-dessus qu’en-dessous du sol, jouant un rôle clé dans la captation du carbone.

L’une des vaches heureuses vivant à South Glanton Farms, au Manitoba, et qui passe la majeure partie de l’année en plein air, dans les pâturages. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

• Prévention de l’érosion et des ruissellements agricoles : La présence de couverture végétale, associée à une bonne structure de sol, permet une meilleure infiltration de l’eau et une résistance accrue aux perturbations physiques. Cette approche est également bénéfique pour prévenir l’érosion et le ruissellement, contribuant à conserver les nutriments dans le sol.

• Contrôle naturel des ravageurs et des mauvaises herbes : Le pâturage contribue à la lutte contre les mauvaises herbes, les ravageurs et les maladies. Il interrompt les cycles des maladies, diminue la dépendance aux intrants synthétiques tels que les engrais et les herbicides, et réduit la consommation de carburant, favorisant ainsi la santé du sol.

Le bétail de la famille Boyd est géré de manière à favoriser la fertilité du sol et à lutter contre les mauvaises herbes et les ravageurs. « Nous essayons de mettre en place un système de pâturage qui imite la nature, en ce sens que nous faisons vêler les vaches en juin en pâturage, et nous gardons les bovins sur les terres autant que possible tout au long de l’année », explique Ryan. Leur méthode de « pâturage tournant à haute densité de bétail » consiste à garder les vaches en groupes denses sur les pâturages, les déplaçant jusqu’à quatre fois par jour en fonction de facteurs tels que le stade de vie du troupeau, la météo et la saison. Cette approche tire parti du comportement du troupeau, les rendant moins sélectifs dans leur consommation de plantes, ce qui permet à la fois de diversifier leur alimentation et de contrôler la croissance des mauvaises herbes dans les pâturages.

Un système de pâturage en rotation est aussi utilisé pour les vaches laitières de La Station. Le mouvement fréquent du troupeau permet à l’herbe de se régénérer et aux vaches d’accéder à une gamme variée de nutriments. Cette pratique a eu un impact notable sur le goût de leurs produits, car un régime alimentaire principalement basé sur les fourrages contribue à la production de fromages de qualité supérieure. Par conséquent, les Bolduc visent également à produire du foin de qualité optimale afin de répondre aux besoins nutritionnels du bétail lorsqu’il n’est pas en pâturage.

 

La diversification des activités agricoles : Une voie vers la résilience


L’intégration stratégique du bétail diversifie les activités agricoles et répartit les risques, contrecarrant les fluctuations des prix du marché causées par divers facteurs tels que les événements météorologiques, la politique mondiale et la dynamique de l’offre et de la demande.

Par exemple, la faiblesse des prix des céréales a incité Ryan Boyd à réévaluer les pratiques de pâturage du bétail, ce qui l’a conduit à adopter un système de gestion à forte densité de bétail et un modèle de mise en marché directe du producteur aux consommateur·rice·s. Lorsqu’un·e agriculteur·rice possède à la fois du bétail et des céréales, ou toute autre forme de diversification agricole, il ou elle a la possibilité d’être financièrement résilient·e et de répartir ses actifs sur plusieurs marchés.

La Station incarne aussi la diversification agricole par la production à la fois de fromages biologiques, de céréales, de foin et de sirop d’érable. Cette diversité de produits offre un moyen de subsistance stable tout en enrichissant le paysage. Cette diversification s’étend également à la vente directe aux consommateur·rice·s, ce qui renforce d’autant plus la résilience de l’exploitation.

Dans les deux cas, une source de revenus peut soutenir l’exploitation lorsqu’une autre est moins performante.

 

Chaque personne a un rôle à jouer dans la transformation de notre système alimentaire. Il existe de nombreuses façons de contribuer à la création d’un système alimentaire plus régénérateur : visiter une ferme ou un ranch pour en apprendre davantage sur l’origine des aliments, soutenir les producteur·rice·s de sa localité en faisant ses achats à un marché fermier, encourager l’épicerie de son quartier à proposer des produits locaux ou même plaider en faveur d’une réforme de la politique.

Vous faites du jardinage? Vous pouvez vous procurer du fumier localement (ou vous procurer des poules de basse-cour!) pour profiter des avantages que le fumier de bétail peut offrir à votre potager. Le fait d’appuyer des producteur·rice·s qui partagent vos valeurs peut inciter d’autres personnes à faire de même. La carte des fermes de Régénération Canada vous aidera à découvrir les fermier·e·s pratiquant l’agriculture régénératrice près de chez vous, leurs produits, ainsi que les pratiques qu’ils et elles emploient.

 


Pour en savoir plus sur les pratiques régénératrices en place à South Glanton Farms, regardez la vidéo de l’entrevue et écoutez l’épisode de balado mettant en vedette Ryan Boyd. Pour en savoir plus sur les pratiques régénératrices en place à La Station, regardez l’enregistrement du webinaire « Régénérer la planète » avec Vincent Bolduc et la vidéo de l’entrevue avec la famille Bolduc, et écoutez l’épisode de balado avec Vincent et Simon-Pierre.

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Si vous avez des questions ou des commentaires sur les sujets abordés dans ce blog, veuillez contacter notre Chargée de l’éducation et de la recherche à l’adresse suivante : paige@régénérationcanada.org. Si vous avez des questions relatives à la campagne Récits de Régénération, veuillez contacter notre Chargée de campagne à l’adresse suivante : alieska@régénérationcanada.org.