Le maintien d’un sol couvert : Un principe de l’agriculture régénératrice

Garder le sol couvert facilite les conditions nécessaires qui permettent aux micro-organismes de prospérer. Couvrir le sol permet également de réguler sa température et de le protéger contre l’érosion par le vent et l’eau. Les cultures de couverture sont une des méthodes les plus connues: une culture non-commerciale est plantée pour contribuer à construire une couche arable du sol, fixer de l’azote, augmenter la matière organique, et retenir plus d’eau dans le sol.


 

Garder le sol couvert est un principe fondamental de l’agriculture régénératrice qui favorise la santé des sols et des systèmes alimentaires. Le fait de maintenir une couverture végétale tout au long de l’année protège le sol contre l’érosion, retient l’humidité, préserve la vie souterraine et renforce les défenses naturelles de la terre contre les conditions météorologiques extrêmes. En milieu naturel, un sol exposé est rapidement occupé par des plantes, des champignons et d’autres organismes qui contribuent à le protéger et à l’enrichir. En revanche, un sol nu est vulnérable à l’érosion, au développement des mauvaises herbes et à la détérioration, sans compter les émissions de CO2 qui peuvent en émaner.

Dans cet article, nous découvrirons comment les agriculteur·rice·s novateur·rice·s comme les Axten, en Saskatchewan, réussissent à garder le sol couvert malgré des conditions arides. Grâce à des techniques comme les cultures de couverture, le semis direct et la sélection stratégique des cultures, ils protègent leurs sols de l’exposition, démontrant ainsi l’importance immuable de ce principe régénérateur.

Alors que les changements climatiques intensifient les sécheresses, les vagues de chaleur et les phénomènes météorologiques violents dans les Prairies, la résilience passe de plus en plus par la couverture des sols. En explorant ces méthodes, nous voulons inspirer un grand nombre à adopter des pratiques de culture qui régénèrent à la fois les terres et les systèmes alimentaires.

 

L’importance de conserver une couverture du sol est incontestable chez Axten Farms, l’une des fermes mises en vedette dans le cadre de la tournée estivale Récits de Régénération. Située à Minton, au sud de la Saskatchewan, cette exploitation céréalière multigénérationnelle est gérée par Derek et Tannis Axten.

La devise des Axten, « Loyal au sol », rend hommage à leur dévouement inébranlable vis-à-vis de l’amélioration des sols. Parmi leurs diverses cultures de spécialité se trouvent les pois chiches, l’avoine, le lin, l’épeautre et le blé Red Fife. Vu le climat semi-aride de leur région, où les précipitations sont généralement le principal facteur qui limite la production agricole, la conservation de l’eau doit être une priorité absolue pour les Axten. Derek souligne : « En raison de l’endroit où nous vivons, il faut penser en termes de conservation de l’humidité. [La couverture du sol] est primordiale pour nous. »

 

La famille Axten se réunit pour un repas dans leur usine de transformation des céréales à l’occasion de la visite de leur ferme pour la campagne Récits de Régénération, en juillet 2023. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

 

Pourquoi maintenir un sol couvert?


Des sols couverts favorisent un écosystème résilient et contribuent à de nombreux services écologiques:

● Contrôle de l’érosion et protection des sols

Les couvertures de sol se comportent comme un bouclier naturel contre l’érosion par le vent et la pluie. Cette armure organique, composée de cultures de couverture, de résidus de culture et de racines vivantes, absorbe l’impact des gouttes de pluie et stabilise le sol. Ainsi, même en cas d’événements météorologiques intenses, le sol ne s’envole pas.

● Maintien de l’humidité

Un sol couvert retient l’humidité puisqu’il y a plus d’infiltration et moins d’évaporation. La matière organique agit comme une éponge : elle retient l’eau au niveau des racines pour que les plantes puissent en bénéficier. L’infiltration est favorisée, et l’évaporation réduite, ce qui permet au sol de demeurer un réservoir d’hydratation fiable et à l’eau d’y pénétrer plutôt que de s’écouler en surface. Il convient de mentionner que le petit cycle de l’eau et les nappes phréatiques bénéficient également de ces pratiques responsables.

● Régulation de la température

Les cultures de couverture et les engrais verts modèrent la température du sol. L’effet rafraîchissant de ces cultures en été permet de retenir l’humidité et de maintenir des conditions optimales pour le développement des plantes et des micro-organismes. En hiver, les plantes couvre-sol agissent comme une couverture douillette qui protège la terre du froid et du vent.

● Élimination des mauvaises herbes

Les résidus de culture, les cultures de couverture, les engrais verts et les paillis inhibent les mauvaises herbes en bloquant la lumière du soleil et en occupant l’espace qu’elles prendraient autrement. Le travail de désherbage en est donc réduit.

● Nourrir la biologie du sol

La biologie souterraine est dynamisée par une couverture végétale permanente. En fait, l’activité et l’abondance des microbes augmentent respectivement d’environ 22 % et 27 % dans les sols couverts. Cette hausse de l’activité microbienne se traduit par un cycle des nutriments plus efficace et une meilleure décomposition des résidus végétaux.

● Adaptation aux changements climatiques

Face aux conditions météorologiques extrêmes et atypiques induites par les changements climatiques, l’adoption de mesures proactives est essentielle. La hausse attendue des températures, la réduction de l’humidité du sol et la fréquence accrue des sécheresses dans les Prairies posent des défis importants pour nos agriculteur·rice·s. Les cultures de couverture et les pratiques similaires ont le potentiel de séquestrer jusqu’à 60 millions de tonnes de carbone annuellement, une perspective prometteuse qui permettra à l’agriculture de s’adapter mieux aux changements climatiques. Les méthodes utilisées par la ferme Axten, habituée à des précipitations limitées, illustrent bien cette résilience proactive.

 

L’eau s’infiltre mieux dans les terres cultivées en semis direct par rapport aux champs labourés. Crédit photo : Programme de recherche du CGIAR

 

La couverture du sol chez Axten Farms


Les Axten mettent en œuvre plusieurs pratiques de couverture du sol, favorisant ainsi un écosystème vigoureux qui aide leurs cultures à résister aux conditions météorologiques difficiles, telle que la sécheresse qu’a connue l’exploitation cette année.

● Cultures de couverture

Les cultures de couverture sont des cultures qui ne sont pas récoltées mais plutôt réintégrées au sol afin d’en améliorer la santé. Dans les étendues semi-arides de la Saskatchewan, les Axten préconisent cette méthode vitale de protection de leurs sols – mais uniquement quand le taux d’humidité le permet! Lorsque les cultures de couverture sont plantées dans un sol trop sec, la germination peut être inhibée, ce qui limitera la production de biomasse avant le gel. C’est la principale raison pour laquelle cette pratique demeure moins populaire dans les environnements plus arides.

Mais selon Derek Axten, les cultures de couverture demeurent un élément essentiel du casse-tête. « S’il y a de l’humidité, nous semons une couverture végétale », explique-t-il. « C’est lorsque les plantes atteignent le stade végétatif que la majorité des exsudats racinaires sont produits. Il ne faut que trois ou quatre pouces de croissance au-dessus du sol. » Ces cultures nourrissent ainsi le microbiote du sol avec leurs exsudats vitaux.

Les cultures de couverture sont particulièrement populaires dans le centre du Canada, où l’humidité du sol est normalement moins contraignante. Lorsque semées en même temps ou à la place d’une culture commerciale, les variétés de pleine saison produisent beaucoup de biomasse et sont souvent broutées par le bétail après les récoltes. En revanche, et malgré leur période de croissance limitée, les cultures de courte durée ou d’intersaison stabilisent le sol, améliorant sa structure et sa vitalité.

● Semis direct

Les Axten diminuent le travail du sol afin d’en réduire la perturbation et d’en maintenir la couverture. Dans les systèmes conventionnels, le labourage sert à éliminer les mauvaises herbes, à briser la croûte qui peut se former à la surface, à assécher les champs plus rapidement au printemps et à préparer un terreau meuble. La technique du semis direct évite la nécessité de cette étape. Plus de la moitié des surfaces agricoles au Canada sont désormais cultivées en semis direct, une pratique qui a gagné en popularité au cours des dernières années. Elle permet d’améliorer la structure du sol à long terme, de limiter la perte d’humidité, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de diminuer les coûts de carburant et de main-d’œuvre. Cette vidéo démontre le risque accru de ruissellement et d’érosion du sol dans les systèmes conventionnels par rapport au semis direct.

● Plantation à faible perturbation

Un autre élément du système de semis direct chez les Axten est un semoir à faible perturbation. Contrairement aux sillons profonds creusés par les semoirs conventionnels, celui-ci ouvre le sol délicatement avec des disques dans une action qui ressemble à celle d’un coupe-pizza, ce qui permet de minimiser la perturbation et de conserver l’humidité.

● Sélection de cultures

La sélection stratégique des cultures renforce encore plus le bouclier protecteur de la couverture du sol. Les Axten optent pour des cultures à forte teneur en carbone telles que les pois chiches et le lin, qui laissent une grande quantité de résidus en surface, créant ainsi un tapis qui protège le sol contre l’érosion par le vent et l’eau.

Tannis explique : « Pour les êtres humains, la pluie est agréable. Mais pensez-y : l’impact d’une goutte de pluie sur un minuscule micro-organisme est énorme ! Alors que si vous avez une couverture pour absorber cet impact, l’érosion du sol sera moins marquée. » Les résidus de la culture du lin et des pois chiches sont un moyen efficace d’atténuer cet impact.

 

Tannis Axten s’adresse aux participant·e·s lors de l’événement Récits de Régénération en Saskatchewan, en juillet 2023. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

 

Joignez-vous au mouvement régénérateur


Dans la nature, les sols nus sont éphémères. Comme nous l’avons appris tout au long de ce blogue, la couverture des sols offre des bénéfices importants. De la rétention de l’humidité à la stabilisation des températures en passant par la préservation de l’écosystème délicat du sol, les avantages de cette pratique sont indéniables. Comme le dit si bien Tannis, « le sol est la demeure de votre biologie. Protégez-le! Ne permettez pas qu’il soit exposé et détruit. Vous voulez qu’il reste couvert. »

Quelle que soit la superficie que vous occupez, il y a des pratiques de couverture de sol que vous pouvez adopter afin de contribuer à la régénération de nos systèmes alimentaires. Les personnes qui jardinent peuvent enrichir leur terre à l’approche de l’automne avec une culture de couverture comme l’avoine, qui sera naturellement compostée par les rigueurs de l’hiver tout en protégeant leurs sols avec un paillis. Pour les agriculteur·rice·s à grande échelle, l’utilisation d’une tête de coupe de type « stripper header », à monter sur une moissonneuse-batteuse, permet de laisser un maximum de résidus organiques dans les champs. Les personnes qui pratiquent le maraîchage peuvent opter pour une débroussailleuse pour déchiqueter les résidus, qui serviront à pailler leurs champs. Quant aux éleveur·euse·s, ils et elles peuvent envisager le pâturage en rotation. Une autre option consiste à planter des engrais verts, c’est-à-dire des cultures spécialement conçues pour apporter de la matière organique et des nutriments à la terre.

Si vous n’avez pas accès à une ferme ou un jardin, nous vous encourageons à visiter une ferme locale ou un marché fermier, à poser des questions, à nouer des relations et à soutenir les agriculteur·rice·s qui utilisent des pratiques conformes à vos valeurs. Nous avons toutes et tous le pouvoir d’inspirer des changements progressifs dans nos systèmes alimentaires.

 


Pour en savoir plus sur les pratiques régénératrices en place à Axten Farms, regardez l’enregistrement du webinaire  « Régénérer le marché » avec Tannis Axten. De plus, écoutez l’épisode de balado et regardez l’entrevue vidéo mettant en vedette Tannis et Derek Axten.

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Si vous avez des questions ou des commentaires sur les sujets abordés dans ce blog, veuillez contacter notre Chargée de l’éducation et de la recherche à l’adresse suivante : paige@régénérationcanada.org. Si vous avez des questions relatives à la campagne Récits de Régénération, veuillez contacter notre Chargée de campagne à l’adresse suivante : alieska@régénérationcanada.org.