Les plantes vivaces, les arbres, les arbustes et les autres plantes qui repoussent année après année ont des systèmes racinaires plus développés que les plantes annuelles. Cela leur permet de séquestrer plus de carbone, de stocker plus d’eau et de maintenir des communautés microbiennes complexes dans le sol tout au long des saisons. L’agroforesterie consiste à intégrer des arbres fruitiers, des arbres à noix ou des arbres à bois dans les systèmes agricoles et comprend des pratiques telles que les brise-vent, les cultures en couloir et le sylvopastoralisme.
Nichée dans la magnifique vallée de Similkameen en Colombie-Britannique, Snowy Mountain Farm est une ferme de 25 acres exploitée par Aaron et Carly Godard. Les environs pittoresques de cette ferme, allant de généreux vergers et vignobles à des destinations de plein air riches en faune et en flore, servent de toile de fond à leurs multiples initiatives agricoles et à la vie qui se trouve ici en abondance.
Régénération Canada a rendu visite à Aaron et Carly en 2023 pendant la tournée Récits de Régénération. Nous y avons été accueillies à bras ouverts dans un paysage d’une beauté saisissante, spectacle de l’aurore boréale en prime!
En décidant d’acheter Snowy Mountain Farm en 2019, le couple a été inspiré par la formation culinaire d’Aaron et par son intérêt pour les gammes de saveur complexes. Leur engouement pour les pratiques régénératrices, tel que reflété dans les heures, l’énergie et l’argent qu’ils y ont investis, est primordial. Le couple est indéniablement passionné par son projet.
Les Godard se font une fierté de maintenir des racines vivantes dans le sol pendant le plus clair de l’année et d’intégrer des arbres et des arbustes dans le paysage agricole, tous deux étant des aspects névralgiques de l’agriculture régénératrice. Ces pratiques offrent de nombreux services écosystémiques et sont essentielles à la conservation et la régénération des processus biologiques du sol, tout en conférant des bienfaits économiques.
Avantages du maintien de racines vivantes :
● Biologie du sol : Les racines vivantes excrètent des exsudats racinaires, des composés organiques souvent à forte teneur en sucres. Ces substances représentent une source d’énergie qui devient rapidement disponible aux micro-organismes du sol, ce qui permet aux plantes de les attirer dans leurs rhizosphères afin d’y établir des relations symbiotiques. En contrepartie, les microbes transforment les nutriments en formes disponibles aux plantes.
La rhizosphère, définie comme l’espace entourant les racines, est un lieu débordant d’activité biologique et chimique induite par les sécrétions racinaires et les interactions microbiennes. Tel que décrit avec éloquence par Daniel Mays dans son œuvre The No-till Organic Vegetable Farm, ce cycle de fertilité autogène nous rappelle l’importance de l’apport des plantes vivantes à la santé du sol.
« Les plantes vivantes sont le moyen le plus naturel de nourrir la biologie du sol et de favoriser la santé de celui-ci. Contrairement aux amendements et aux matières organiques exogènes, les plantes sont des capteurs solaires vivants adaptés aux conditions et aux besoins du sol. Elles pompent l’énergie solaire et le carbone de l’air en profondeur, nourrissant la vie du sol en échange de nutriments dans un cycle de symbiose auto-enrichissant, le tout avec une intervention humaine minimale. Ce modèle de fertilité autogénérée est la source renouvelable de la richesse terrestre, et nous nous appauvrissons tous lorsque nous manquons de maximiser la photosynthèse à la ferme. »
— Daniel Mays, The No-till Organic Vegetable Farm
● Carbone du sol : Les plantes absorbent le CO2 de l’atmosphère et emmagasinent le carbone dans leurs racines. Lors de la lente décomposition de ces racines en hiver, les micro-organismes enrichissent le sol en consommant et en transformant cette réserve énergétique. Les racines et leurs exsudats augmentent la disponibilité des nutriments et les niveaux de carbone dans le sol.
● Suppression des mauvaises herbes : Les racines vivantes suppriment les mauvaises herbes en leur livrant concurrence pour obtenir de l’eau, des nutriments, de l’espace et d’autres ressources.
● Conservation des nutriments : Les racines vivantes absorbent les nutriments mobiles comme l’azote, les retenant dans les tissus végétaux avant qu’ils soient lessivés de la rhizosphère.
● Amélioration de la structure du sol et contrôle de l’érosion : Le sol nu est vulnérable à l’érosion, surtout lors de fortes pluies ou neiges. Les racines vivantes diminuent ce risque en tenant le sol en place. Mêmes dormantes, les racines gardent ouverts les canaux d’infiltration d’air et d’eau dans le sol au lieu de laisser ruisseler l’eau sur la surface, ce qui favorise le drainage et prévient la compaction. Un sol bien aéré offre un milieu favorable aux microbes bénéfiques tout en permettant aux racines de respirer et de croître.
La famille Godard ne comprend que trop bien ces principes. Dans la vallée de Similkameen, caractérisée par de forts vents et vulnérable aux glissements de terrain, aux inondations et aux feux de forêts, la protection du sol s’impose. Au printemps de 2023, une sévère sécheresse, jumelée à de fortes pluies soudaines et la fonte rapide des neiges, a occasionné un glissement et la perte de la couverture végétale. L’eau se déversait dans une gorge orientée le long d’un ruisseau qui coule près de la propriété, et a ainsi endommagé la principale ligne d’irrigation au moment critique de la floraison. Si la famille n’avait pas préalablement préservé des racines vivantes afin de stabiliser le sol, la situation aurait été nettement plus difficile à gérer.
Il est donc essentiel de comprendre l’importance du maintien des racines dans le sol et de mettre cette pratique en œuvre pour rendre nos paysages plus résistants aux aléas du climat et pour contribuer à leur résilience.
Bienfaits de l’agroforesterie :
L’agroforesterie réfère à l’inclusion d’arbres dans les systèmes agricoles, que ce soit en pâturage (sylvopastoralisme), entre les rangs de cultures (culture en bandes) ou en culture forestière. Les avantages particuliers de l’inclusion d’arbres dans un système agricole s’ajoutent aux bienfaits généraux associés avec les racines vivantes :
● Habitats naturels : Les écosystèmes comprenant des arbres offrent un refuge pour les oiseaux et les mammifères de plus grande taille, tandis que les champs conventionnels n’hébergent qu’insectes et rongeurs.
● Sources de revenus diversifiées et création d’emplois : L’inclusion d’arbres dans les agroécosystèmes est un levier de création d’emplois tels que la cueillette saisonnière de fruits. De plus, la production et la vente de produits comme le bois d’œuvre, les fruits, les noix, les fibres et la bioénergie diversifient les flux de revenus et atténuent les risques financiers.
● Clôtures vivantes : Les arbres peuvent fournir de l’ombre au bétail, limiter les accumulations de neige, ou bien la retenir pour qu’elle devienne une source précieuse d’humidité lors de la fonte printanière. Ils peuvent également servir de barrières contre la dérive de pesticides pulvérisés sur les fermes voisines et limiter la propagation d’odeurs émanant de l’élevage de bétail ou de l’épandage de fumier, contribuant ainsi aux relations harmonieuses avec le voisinage.
Comment maximiser les racines vivantes?
Voici d’autres pratiques agricoles offrant les avantages associés avec les racines vivantes et les arbres:
● Plantation de vivaces : Du fait de leurs racines persistantes, les arbres fruitiers, les vignes et les autres vivaces sont des compagnons de choix. Leurs systèmes racinaires profonds leur donnent la capacité de séquestrer plus de carbone que les annuelles. Par ailleurs, les vivaces ont de plus longues saisons de croissance, ce qui prolonge également la période pendant laquelle les micro-organismes ont accès aux sucres nourrissants produits par les racines.
Des 25 acres qu’ils possèdent, Aaron et Carly en consacrent 4 aux vignes, 12 aux fruits de verger (dont cerises, abricots, pêches, pruneaux, poires, pommes et coings pour un total de 70 variétés) et le reste aux bandes forestières et aux terres non exploitées.
● Cultures de couverture : Ces cultures augmentent la quantité et la diversité de racines vivantes dans le sol et, par le fait même, accroissent la quantité et la diversité de glucides disponibles aux micro-organismes.
Sous les arbres de Snowy Mountain, les Godard sèment des cultures telles que le sarrasin et une grande diversité de vivaces. Les racines de ces plantes descendent à des profondeurs différentes et favorisent ainsi la biodiversité souterraine. Les Godard utilisent à cette fin la consoude pour aller chercher le calcium, le potassium et d’autres éléments ; la chicorée pour emmagasiner le zinc et aérer le sol ; l’angélique pour éloigner les parasites et les ravageurs, et les légumineuses pour fixer l’azote.
● Réduction au minimum de la perturbation du sol : Réduire la perturbation du sol permet de préserver sa structure et l’intégrité des racines, créant ainsi un milieu favorable à leur croissance. Cette pratique alimente la communauté microbienne, assure l’infiltration et la rétention de l’eau, et contribue à la décomposition de la matière organique et à la disponibilité des éléments nutritifs.
● Pâturage planifié : Les bonnes pratiques d’élevage stimulent la croissance des racines et augmentent la fertilité du sol.
Chez Snowy Mountain, les Godard ont intégré une volée de poulets et de pintades élevés en pâturage et prévoient y ajouter également des moutons.
● Maintien de la couverture végétale à l’automne : Au lieu d’arracher les résidus végétaux, on peut couper les plantes à ras du sol tout en laissant les racines intactes, et même laisser des tiges debout afin d’offrir un habitat hivernal aux pollinisateurs. Ceci est particulièrement important en fin de saison, quand l’arrivée imminente de l’hiver peut tenter certains producteur·rice·s de donner à leurs champs une allure « rangée et ordonnée ». Pourvu que les plantes n’aient pas été affectées par une maladie, leurs racines peuvent être avantageusement laissées en place pendant la saison froide. On peut même dire que cette pratique joue un rôle essentiel dans le maintien d’un écosystème sain et résilient.
En somme, la conservation des racines vivantes et l’intégration d’arbres sont des techniques permettant de revitaliser et de rentabiliser nos fermes et nos jardins. Elles alimentent l’abondance de la vie sous nos pieds et, ce faisant, contribuent à la biodiversité des terres gérées en agriculture régénératrice. Chez Snowy Mountain Farm, Aaron et Carly font preuve d’un dévouement impressionnant à la régénération de leur terre en priorisant le maintien de racines vivantes, dont les vivaces et les cultures de couverture, en toute saison. Ils ne minimisent pas les défis associés à ces méthodes écologiques, éthiques et de petite échelle, mais veulent quand même laisser la terre en meilleur état qu’ils ne l’ont trouvée. Ils ont expérimenté personnellement l’effet stabilisateur des racines lors de la sécheresse, des inondations et des glissements de terrain du printemps de 2023.
En s’aventurant dans le monde naturel, prenons conscience des innombrables interconnexions qu’il recèle, et plus particulièrement des interactions entre les arbres, les fleurs, les cultures et le sol. En planifiant un jardin, songeons à y ajouter un arbre ou un arbuste fruitier, ou bien une culture de couverture : un petit geste régénérateur dont les effets se propageront sur nos paysages collectifs.
Pour en savoir plus sur les pratiques régénératrices en place à Snowy Mountain Farm, regardez l’entrevue vidéo et l’enregistrement du webinaire « Régénérer notre bien-être » avec Aaron et Carly Godard, et écoutez l’épisode de balado avec Aaron.
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