Veiller à ce que tout ce que nous prenons à la terre lui soit rendu. L’apport de macro- et de micro-nutriments aux plantes à l’aide d’intrants organiques peut contribuer à restaurer la capacité biologique des sols à recycler les nutriments. Cela peut se faire par l’application d’engrais verts, de compost, et de fumier animal, qui améliorent les fonctions biologiques des sols. Il convient également d’utiliser, dans la mesure du possible, des matériaux naturels plutôt que des produits synthétiques.
Régénération Canada a introduit le principe de la réciprocité comme concept directeur de l’agriculture régénératrice. La réciprocité met de l’avant l’interconnexion inhérente entre la nature et les êtres humains ; elle nous replace dans le paysage, non pas à part. Tout comme la terre nous nourrit et nous alimente, nous devons, dans une relation réciproque, prendre soin d’elle.
En 2023, l’équipe de Régénération Canada a visité Lightfoot & Wolfville Vineyards dans le cadre de la tournée agricole Récits de Régénération. Nous y avons été accueillies par Rachel Lightfoot, co-directrice de la ferme et gardienne de quatrième génération de la terre qu’elle cultive, envers laquelle elle a exprimé sa profonde passion et révérence.
Situé dans la pittoresque vallée de l’Annapolis en Nouvelle-Écosse, Lightfoot & Wolfville possède 40 acres de vignobles surplombant la baie de Fundy. La région est une plaque tournante de l’agriculture, connue surtout pour la production de pommes. Les Lightfoot et leur équipe incarnent la réciprocité par leurs pratiques biologiques, biodynamiques et régénératrices ainsi que par leur engagement ferme en faveur de la collectivité.
La réciprocité dans nos paysages
La réciprocité souligne notre responsabilité de préserver et de protéger nos paysages. Chez Lightfoot & Wolfville Vineyards, cet engagement se voit reflété dans la mission passionnée de l’entreprise de laisser la terre en meilleur état pour les générations futures. La famille croit essentiellement que tout ce qui est pris doit être retourné—un précepte central de tout agroécosystème régénérateur digne du nom.
La réciprocité comme enseignement autochtone
La réciprocité, et l’agriculture régénératrice plus largement, sont des concepts profondément enracinés dans les enseignements autochtones. Ces derniers, transmis de génération en génération, préconisent l’importance de vivre en harmonie avec la terre. Régénération Canada considère qu’il est essentiel, en agriculture régénératrice, de reconnaître et de s’inspirer des riches racines autochtones de la réciprocité.
Malgré la proportion restreinte de la population mondiale qu’ils représentent, les peuples autochtones jouent un rôle crucial et dominant dans la préservation et la conservation du monde naturel. Ils offrent une perspective unique et précieuse sur la gestion du foncier et des ressources.
Dans son livre Research is Ceremony, le savant cri Shawn Wilson explique les « 3 R » des méthodologies autochtones : le respect, la reconnaissance et la réciprocité. En fait, ces enseignements sont des éléments transversaux de toutes les méthodologies autochtones du monde et ne sont pas limités à un groupe en particulier. Les « 3 R » nous incitent à sauvegarder le patrimoine culturel, promouvoir la justice sociale et vivre en harmonie avec le monde naturel.
Au lieu de présenter la réciprocité comme une transaction linéaire, Robin Wall Kimmerer, professeure de biologie environnementale et forestière et botaniste de descendance Potawatomi, introduit dans son livre Braiding Sweetgrass la notion d’un échange continuel et circulaire. Elle invite les lecteur·rice·s à envisager un échange où chaque acte de donner ou de recevoir s’insère dans un dialogue dynamique qui ressemble aux cycles rythmiques de la nature.
Kimmerer illustre la réciprocité en action en prenant comme exemple les « trois sœurs ». Chacune de ces sœurs—maïs, haricots et courge—donne et reçoit, partage ses ressources en-dessous et au-dessus de la terre. Le maïs s’érige en poteau pour que le haricot puisse y grimper. Le haricot, membre de la famille des légumineuses, transforme l’azote atmosphérique en une forme disponible aux plantes par l’entremise d’un partenariat réciproque avec les bactéries du genre Rhizobium, ce qui bénéficie finalement aux trois espèces végétales. La courge, qui croît au ras du sol, supprime les mauvaises herbes et préserve l’humidité. Ce réseau de réciprocité complexe s’étend au-delà des plantes jusqu’au sol, qui, lui aussi, y participe en donnant et en recevant.
De plus, Kimmerer propose une quatrième sœur : la jardinière ou la fermière. Dans Braiding Sweetgrass, elle explique que la quatrième sœur a pour rôle d’insérer les semences dans la terre, démontrant par le fait même à quel point elle est essentielle à cette relation. Nous avons le privilège et la responsabilité de prendre bien soin de nos terres. Le jardinage, l’agriculture et l’élevage illustrent parfaitement cette notion d’une relation réciproque.
Les pratiques réciproques en agriculture régénératrice
La réciprocité en agriculture régénératrice suppose qu’il faut nourrir tout l’agroécosystème, au lieu d’exploiter ses ressources dans le seul but d’en tirer profit. Il s’agit de redonner à la terre plus que ce qu’on en retire.
Santé des sols et réciprocité des nutriments :
L’agriculture régénératrice encourage des pratiques telles que l’utilisation des engrais verts, du compost et du fumier. Ces pratiques concordent avec le principe de la réciprocité en reconnaissant que les nutriments puisés dans le sol pendant la récolte doivent y être remboursés. Plus particulièrement, quand une culture est récoltée d’un champ, elle part avec des nutriments et de la matière organique qui doivent y être restitués. C’est-à-dire qu’il faut assurer l’équilibre du cycle des nutriments et l’amélioration continue du sol si on veut maintenir la santé de l’agroécosystème à long terme.
La ferme des Lightfoot, en tant qu’exploitation certifiée biodynamique, utilise également des préparations biodynamiques pour rendre la terre plus fertile. Entre autres, il y a le marc de raisin et le fumier pour alimenter le compost, ainsi que les cornes de vaches pour attirer l’énergie vers le processus.
Circularité des nutriments :
Les systèmes régénérateurs cherchent à minimiser les intrants synthétiques et à optimiser la circularité des nutriments. Le cycle des nutriments se définit comme le processus par lequel les nutriments sont transformés et recyclés dans un écosystème. Par exemple, les résidus végétaux se convertissent en aliment pour lombrics et microorganismes, dont les sous-produits deviendront à nouveau nutriments disponibles aux plantes. Bien qu’il soit difficile d’atteindre une telle autosuffisance ou circularité dans un système agricole, on peut s’en rapprocher en perfectionnant et en adaptant nos pratiques régénératrices.
Promotion de la biodiversité :
Parmi d’autres pratiques, l’agriculture régénératrice englobe la diversité des cultures, la polyculture, et l’intégration du bétail dans les paysages agricoles. Cette approche polyvalente mène à des écosystèmes résilients qui attirent naturellement des insectes bénéfiques et améliorent la santé du sol.
Il faut avouer, dit Rachel Lightfoot, que les raisins de cuve se produisent normalement en monoculture et qu’il convient donc de chercher des façons de stimuler la biodiversité en-dessous et au-dessus du sol. Afin de complexifier cette monoculture, l’équipe de Lightfoot & Wolfville intègre des pratiques régénératrices telles que les cultures de couverture, les engrais verts et l’élevage (porcs, moutons, vaches) ; le compost et le thé de compost produits sur place remplacent les engrais synthétiques. À certaines époques de l’année, on met les moutons en pâturage entre les rangs de vignes comme moyen de contrôle des mauvaises herbes et de fertilisation du vignoble.
L’ensemble de ces pratiques favorise la biodiversité en offrant et en préservant de l’habitat pour plusieurs espèces qui ne s’y trouveraient autrement. Les buses, les aigles, les pollinisateurs et d’autres espèces encore affectionnent cette ferme, un résultat positif, selon Rachel, de ses pratiques agricoles biodiverses.
Réciprocité culturelle et sociale :
Dans le cadre plus large de l’agriculture régénératrice, l’importance de la réciprocité culturelle et sociale est de plus en plus reconnue. Il s’agit de tisser des liens avec les communautés locales, de soutenir les pratiques d’emploi équitables et d’encourager le sens des responsabilités pour le bien-être de la collectivité. La réciprocité s’étend au-delà de la terre jusqu’au tissu social de la communauté agricole et ses relations avec les consommateur·rice·s.
Sur le plan de la réciprocité sociale, les Lightfoot ont comme principe de redonner à leur entourage. La famille célèbre les traits distinctifs de la région, le paysage et les gens qui l’habitent. Elle priorise le perfectionnement professionnel de son équipe en tissant des liens forts avec ses employé·e·s et leurs familles. Elle offre des emplois d’été pour étudiant·e·s afin de garder les jeunes dans la région, et accepte l’aide de ses voisin·e·s et des touristes lors de la récolte. Récemment, elle a permis qu’un sentier pédestre passe par la ferme pour que le public puisse profiter du paysage et voir de plus près le fonctionnement d’un vignoble. La porte est donc ouverte pour que de liens précieux s’établissent entre la communauté, les agriculteur·rice·s et la terre.
La notion du terroir, de l’importance de tisser des liens entre les personnes et les lieux, est un aspect crucial du récit de Lightfoot & Wolfville, tel que reflété par ses vins et même par son nom, Lightfoot étant le nom de la famille et Wolfville le nom de la ville où elle habite. Rachel et sa famille insistent, dans toutes leurs activités agricoles, sur l’importance de comprendre l’interaction et l’intégration des êtres humains avec la terre.
La réciprocité, un principe vénérable et profondément ancré dans notre lien à la terre, n’est pas qu’un concept : c’est un appel à l’action. Chez Lightfoot & Wolfville Vineyards, l’engagement en faveur de la réciprocité est un testament de vie, une fervente responsabilité de laisser la terre en meilleur état pour les générations futures. De la santé du sol et la réciprocité des nutriments à la promotion de la biodiversité et les liens culturels, nos pratiques mettent en évidence la responsabilité que nous ressentons de redonner plus que l’on retire. La réciprocité, un dialogue perpétuel avec la nature, nous encourage à réfléchir sur notre rôle dans cette toile complexe. En terminant cette exploration, soyons sensibles aux possibilités d’intégrer la réciprocité dans nos vies, de soutenir les pratiques régénératrices, de tisser des liens avec des agriculteur·rice·s de notre région, ou tout simplement d’observer la nature avec toute notre conscience.
Pour en savoir plus sur les pratiques régénératrices en place à Lightfoot & Wolfville Vineyards, regardez l’entrevue vidéo avec Rachel et Michael Lightfoot. De plus, écoutez l’épisode de balado et regardez l’enregistrement du webinaire « Régénérer le marché » avec Rachel.
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