Régénérer les opportunités en milieu rural

Cet article a été initialement publié par Derek Leahy de Rural Routes to Climate Solutions (RR2CS), notre partenaire de baladodiffusion pour la campagne Récits de Régénération. Avec l’aide inestimable de RR2CS, nous vous présenterons une série de balado sur 10 épisodes mettant en vedette des agriculteur·rice·s canadien·ne·s qui appliquent des pratiques régénératrices allant au-delà de la durabilité, leur permettant de favoriser la résilience de nos communautés. Ne manquez pas ces épisodes, qui seront publiés entre novembre 2023 et mars 2024!


 

On m’a offert une opportunité extraordinaire de parcourir le Canada et d’interviewer des producteur·rice·s sur l’agriculture régénératrice pour le balado Rural Routes to Climate Solutions. C’est une première pour moi, alors quand cette occasion s’est présentée il y a environ six mois, il ne m’est pas venu à l’esprit de la refuser. Je reconnais que la plupart des gens n’ont pas ce genre d’opportunités. Je ne sais même pas si j’en aurai d’autres dans le futur! Je me suis donc dit que pendant que je suis sur la route pour le balado, je devrais partager avec vous ce que je vois en termes d’agriculture régénératrice à travers le pays.

Cette série de balado fait partie d’un projet plus large intitulé Récits de Régénération, mené par Régénération Canada. Tout l’été, Régénération Canada organise des événements de la ferme à la table et filme des capsules vidéo sur les mêmes producteur·rice·s avec qui j’enregistre des entrevues.

À date, RR2CS a visité la Ferme Terre Partagée au Nouveau-Brunswick, Lightfoot & Wolfville Vineyards en Nouvelle-Écosse et Axten Farms en Saskatchewan, où nous avons interviewé les producteur·rice·s agricoles Rébeka Frazer-Chiasson, Rachel Lightfoot et Tannis et Derek Axten, respectivement, sur leurs pratiques d’agriculture régénératrice – un modèle de gestion des terres qui régénère le sol tout en permettant aux producteur·rice·s d’en tirer une récolte de toutes formes (aliments, fibres, plantes médicinales, etc.).

Les trois fermes que j’ai visitées n’auraient pas pu être plus différentes l’une de l’autre : une ferme maraîchère intégrant des animaux au Nouveau-Brunswick, un vignoble en Nouvelle-Écosse et une ferme céréalière dans le sud de la Saskatchewan. Néanmoins, les producteur·rice·s agricoles que j’ai rencontré·e·s – Rébeka, Rachel, Tannis et Derek – avaient beaucoup en commun.

Une chose que j’aurais souhaité qu’ils n’aient pas en commun : la saison de croissance n’a pas été clémente avec chacun·e, et c’est peu dire. La sécheresse dans les Prairies et les précipitations beaucoup trop abondantes dans les Maritimes rendent les choses extrêmement difficiles pour les trois fermes. En voyant la tête des gens quand ils parlent de la météo, on en vient à souhaiter l’existence d’un moyen magique de répartir le soleil et l’humidité à travers le pays.

Les trois fermes font à divers degrés la transformation de produits à valeur ajoutée. Pour Rachel et son magnifique vignoble sur la côte atlantique, le produit à valeur ajoutée – le vin – est sans doute un incontournable dans le domaine de la viticulture (je n’y connais pas grand-chose!). Pour sa part, Rébeka fabrique des sauces piquantes à partir de ses légumes, et les Axten ont érigé une usine de nettoyage des semences et une meunerie pour leurs récoltes. C’est quelque chose que je n’ai pas souvent rencontré au cours des six dernières années du balado. Je me demande si le fait que des producteur·rice·s possèdent les infrastructures nécessaires pour participer directement à la valeur ajoutée de leurs produits agricoles ne serait pas l’une des pièces du casse-tête essentielles à l’accélération de l’agriculture régénératrice.

 

 

Bien que leurs fermes soient très différentes, Rachel, Rébeka, Tannis et Derek ont recours à certaines des mêmes pratiques. Chacun·e sème des cultures de couverture, intègre des animaux et applique du compost. Le quatrième et dernier point commun entre ces fermes est celui que je n’arrive pas à me sortir de la tête. J’ai décidé de l’appeler « la régénération des opportunités en milieu rural ». Pour bien comprendre ce point, il faut savoir que nous vivons à l’une des premières périodes de l’histoire de l’humanité où il y a plus de gens dans les villes que dans les zones rurales. Les communautés rurales canadiennes vieillissent et se dépeuplent. Une diminution de la population peut également entraîner une diminution du nombre et de la diversité des opportunités pour les personnes qui restent, tant au niveau économique que social.

Chacune des trois fermes et leurs partenaires commerciaux créent des opportunités pour leurs communautés. Ici, je ne parle pas de la possibilité d’acheter et de consommer des aliments qui ont été produits de manière régénératrice. L’usine de nettoyage des semences et le moulin à farine des Axten ont créé des possibilités d’emploi pour les résident·e·s de Minton (population : 60) et des environs (population : 217). Le vignoble de Rachel (qui élève également des animaux en plus de cultiver des légumes) emploie à lui seul environ 80 personnes, quoique de façon saisonnière. La ferme de Rébeka est une coopérative située sur les terres de sa famille, qui permet à des personnes n’ayant pas accès à la terre de pratiquer l’agriculture. Rébeka a mentionné dans l’entrevue qu’elle et son père, Jean-Eudes Chiasson, ont contacté des universités et des programmes agricoles pour trouver des producteur·rice·s agricoles en herbe avec qui partager leurs terres, leur équipement et leurs connaissances. Dans certains cas, la coopérative permet également aux membres de la famille et aux voisin·e·s de vendre leurs produits.

Voici donc la pensée qui tourne en boucle dans ma tête en ce moment : l’adoption généralisée de l’agriculture régénératrice entraînera-t-elle le rajeunissement des communautés rurales? Aucun des cinq principes de l’agriculture régénératrice ne parle de développement socio-économique rural. Il s’agit plutôt de principes directeurs pour les pratiques agricoles (un sixième principe, selon certaines sources, pourrait potentiellement s’appliquer au développement rural). Pourtant, d’après les trois fermes que j’ai visitées en juillet, la régénération des terres, des écosystèmes et des communautés semblent aller de pair. Je suis très curieux de voir si cette théorie tient la route lorsque je visiterai des fermes et des ranchs dans d’autres régions du Canada pour la série Récits de Régénération. Prochains arrêts : le Québec, la Colombie-Britannique, l’Alberta et l’Ontario.

 


Écoutez les épisodes du balado Récits de Régénération mettant en vedette les fermes ci-dessus: « Sharing the Land » avec Rébeka Frazer-Chiasson de la Ferme Terre Partagée, et « Loyal to the Soil » avec Tannis et Derek Axten d’Axten Farms.

Pour en savoir plus sur les pratiques régénératrices en place à la Ferme Terre Partagée, regardez l’enregistrement du webinaire « Régénérer la planète : Gérer les sols et les agroécosystèmes pour atténuer les changements climatiques » avec Rébeka Frazer-Chiasson, et lisez notre article sur le maintien de la biodiversité à la ferme. Pour en savoir plus sur Axten Farms, regardez l’entrevue vidéo avec Tannis et Derek, et consultez notre article détaillant leur application du principe du maintien d’un sol couvert.

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