COP15: La biodiversité et l’agriculture

Suivant de près la COP27, la 15e Conférence des Parties à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique – COP15 – est sur le point de commencer. Se déroulant ici même à Montréal (Québec), du 7 au 19 décembre, l’événement réunira des gouvernements du monde entier pour convenir d’une nouvelle série d’objectifs pour la nature au cours de la prochaine décennie, par le biais du cadre post-2020.

“Ce cadre définit un plan ambitieux visant à mettre en œuvre une action de grande envergure afin de transformer la relation de la société avec la biodiversité et de faire en sorte que, d’ici 2050, la vision commune d’une vie en harmonie avec la nature soit réalisée.”
ONU – Programme pour l’environnement

Bien que les conférences des Nations unies sur le changement climatique et la biodiversité soient des événements distincts, ces deux enjeux ne sont pas indépendants. En effet, le changement climatique est en soi une cause majeure de la perte de biodiversité, et l’effondrement des écosystèmes implique la destruction des puits de carbone naturels, ce qui entraîne à son tour une augmentation du CO2 dans l’atmosphère. Néanmoins, l’importance de la biodiversité va bien au-delà de l’atténuation du changement climatique.

Évidemment, l’utilisation des terres pour l’agriculture a de profondes ramifications pour la diversité biologique qui existe sur ce paysage transformé et dans les écosystèmes environnants. Cela inclut les plantes et les animaux en surface, mais aussi le réseau trophique du sol dont ils dépendent. Par conséquent, les discussions et les politiques qui émergeront de la COP15 devraient intéresser tous les partisans du mouvement régénérateur.

Cet article couvre :

• La portée et l’importance de la biodiversité agricole
• Les menaces à la biodiversité posées par l’agriculture industrielle
• Des pratiques agroécologiques qui préservent et restaurent la biodiversité
• Des événements satellites pour la participation des citoyens à la COP15

 

La biodiversité agricole

La biodiversité agricole englobe la variété des animaux, des plantes et des micro-organismes qui sont nécessaires au maintien des fonctions clés de l’agroécosystème. La diversité intégrée dans les systèmes de production alimentaire est essentielle pour une production alimentaire résiliente et durable.

“​​Il existe des impératifs sociaux et environnementaux pour soutenir la biodiversité agricole dans tous les systèmes alimentaires, notamment parce que sa gestion dynamique permet de faire face aux crises du climat, de la biodiversité et de la nutrition.”
— Patrick Mulvany, chargé de recherche honoraire au Centre pour l’agroécologie, l’eau et la résilience (CAWR) de l’université de Coventry

Selon Mulvany, un système agricole sain est diversifié à trois niveaux. Premièrement, il comprend la variance génétique au sein de chacune des variétés de plantes cultivées ou des races de bétail élevées, ainsi que des espèces qui assurent les fonctions essentielles de l’écosystème et soutiennent la production. Deuxièmement, il implique une diversité d’espèces de cultures, d’animaux d’élevage et d’organismes associés, à la fois en surface et sous la terre, comme les organismes du sol, les pollinisateurs, les prédateurs, et le microbiote dans les sols, les ruminants et les eaux. Troisièmement, il est entouré d’écosystèmes hétérogènes, depuis l’intérieur des champs et des pâturages jusqu’aux terres environnantes et leurs bassins versants.

Malheureusement, l’agriculture conventionnelle intensive va à l’encontre de la biodiversité à tous les niveaux. En s’appuyant sur des monocultures homogènes de clones génétiquement limités, elle élimine pratiquement toute hétérogénéité au niveau des variétés et des espèces. De plus, le recours massif aux biocides et autres produits agrochimiques détruit la biodiversité associée à l’intérieur et autour des cultures, provoquant l’effondrement des populations de pollinisateurs et rendant les sols inertes. Enfin, l’agriculture à grande échelle et l’élevage intensif sont les principaux facteurs de changement d’affectation des terres et de destruction des écosystèmes.

Tout comme la transformation de nos systèmes alimentaires est nécessaire pour atténuer et inverser le changement climatique, si nous voulons réussir à résoudre la crise mondiale de la biodiversité, les délégués internationaux à la COP15 doivent faire pression en faveur d’une transition vers des pratiques de production alimentaire qui fonctionnent de pair avec l’écologie, et non contre elle.

 

Des pratiques qui favorisent la biodiversité

Contrairement à l’agriculture industrielle en monoculture, qui est un développement relativement récent dans l’histoire de l’humanité, l’agriculture paysanne est profondément impliquée dans le maintien de la biodiversité agricole depuis des millénaires. Selon ETC Group, le réseau alimentaire paysan a produit 7 000 espèces de plantes domestiquées, avec des millions de variétés, alors que la chaîne alimentaire industrielle ne comprend que 137 espèces de plantes cultivées, dont 16 seulement représentent 86 % de la production alimentaire mondiale. Quant au bétail, les paysans ont domestiqué au moins 34 espèces et plus de 8 774 races, contre seulement 5 espèces (bovins, volailles, porcs, moutons et chèvres) et moins de 100 races pour la production industrielle.

Les pratiques d’agriculture régénératrice améliorent et restaurent la biodiversité en surface et sous terre. En mettant en place des cultures de couverture et des fourrages multi-espèces, en intégrant des ruminants et d’autres animaux, en améliorant la rotation des cultures et en réduisant, voire en éliminant, les pesticides et les engrais synthétiques, nous pouvons restaurer et réparer la perte de biodiversité sur les quelque 50 millions d’hectares de terres agricoles au Canada.

L’Association pour l’amélioration des sols et des récoltes de l’Ontario (AASRO) offre une collection de ressources sur les espèces en péril, qui constitue un excellent point de départ pour la sélection et la mise en œuvre de pratiques favorisant la biodiversité. On y parle notamment des habitats pour les pollinisateurs, les oiseaux, les chauves-souris, les serpents, les tortues et les poissons; des corridors naturels pour la flore et la faune; de la plantation de prairies indigènes; et du recours à des fournisseurs de semences locales.  Vous pouvez trouver des ressources similaires adaptées à la Colombie-Britannique, à l’Alberta, au Québec, au Nouveau-Brunswick et à la Nouvelle-Écosse.

 

S’impliquer à la COP15

L’événement principal de la COP15 sera diffusé en direct, mais pas ses événements parallèles. L’agriculture est au programme le jeudi 8 décembre. Néanmoins, les citoyen·ne·s ne sont pas invité·e·s à prendre part à la conversation, et les discussions entre les délégués internationaux peuvent être plutôt inaccessibles pour la plupart des gens. C’est pourquoi nous souhaitons attirer l’attention sur des programmes alternatifs de discussions et de participation citoyenne pendant la conférence.

Le dimanche 11 décembre, l’ONF et Téléfilm Canada organisent une projection gratuite du documentaire Into the Weeds, l’histoire de David contre Goliath d’un ex-jardinier qui s’attaque à une multinationale agrochimique après un diagnostic de cancer en phase terminale. La projection sera suivie d’un panel de discussion sur les enjeux soulevés par le film, animé par la réalisatrice Jennifer Baichwal. Notre directeur exécutif Antonious Petro sera parmi les panélistes pour aborder le sujet du point de vue de l’agriculture régénératrice.

If Not Us Then Who est un OBNL qui mène une campagne de sensibilisation mondiale sur le rôle que jouent les populations autochtones et locales dans la protection de notre planète. L’organisme sera présent à la COP15 avec le programme Our Village, qui inclut du vidéo mapping, des conférences, des panels de discussion et des projections de documentaires autochtones. Vous pouvez vous inscrire gratuitement pour participer à leur réception qui se tiendra sur deux jours, les 10 et 11 décembre.

Le Collectif COP15 est une alliance civile dont l’objectif est d’inciter les gouvernements à poser des gestes ambitieux et concrets et d’inclure une diversité de voix pour la protection de la nature. Parmi ses activités, le Collectif organise de nombreux événements gratuits pendant la COP15 qui seront accessibles à tout le monde. Ceux-ci se présentent sous la forme de conférences, d’ateliers, de rassemblements et même d’événements artistiques. En voici quelques-uns que nous tenons à souligner :

COP 15 : Où en est le dossier des pesticides ? (conférence, 8 déc.)
Grande marche pour le vivant (rassemblement, 10 déc.)
Pollinisateurs et plantes sauvages : une histoire d’amour (conférence, 11 déc.)
La biodiversité des sols au service de la santé humaine et environnementale (conférence en panel de discussion, 12 déc.)
Bodiversité: La vie, 6 pieds sous terre (conférence, 13 déc.)

 

Ressources supplémentaires

Perspectives mondiales de la diversité biologique 5 | Convention sur la diversité biologique
Objectifs d’Aichi pour la biodiversité | Convention sur la diversité biologique
La biodiversité agricole – Pourquoi est-ce important? | Convention sur la diversité biologique
The State of the World’s Biodiversity for Food and Agriculture | FAO
The State of Knowledge of Soil Biodiversity | FAO
• Cadre d’action en faveur de la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture | FAO
Replanter la biodiversité agricole dans la CDB | Amis de la Terre International
Évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques | IPBES
Les paysannes et les paysans font vivre la biodiversité | IPC
De l’uniformité à la diversité: Changer de paradigme pour passer de l’agriculture industrielle à des systèmes agroécologiques diversifiés | iPES FOOD
Carbone + Eau + Biodiversité = Vie | Régénération Canada
Agroécologie: Une opportunité de transformer la Convention sur la diversité biologique | Agroecology & Livelihoods Collaborative
Farming Approaches for Greater Biodiversity, Livelihoods, and Food Security | Trends in Ecology & Evolution, January 2017
Food security and biodiversity: can we have both? An agroecological analysis | Agriculture and Human Values, 2011