Protéger et restaurer les écosystèmes naturels

Les pratiques régénératrices visent à préserver ou réhabiliter des terres et des habitats, tels que des tourbières, des zones humides ou des forêts. Ces écosystèmes jouent un rôle crucial dans le maintien du cycle de l’eau, la purification des eaux souterraines, la séquestration du dioxyde de carbone, le refroidissement de l’air et la protection des diverses populations de plantes et d’animaux sauvages qui les habitent.


 

Dr. Rebecca Harbut, professeure au programme d’agriculture durable de KPU, dans la serre solaire passive en forme de dôme où sont partis les semis au début de la saison, lors de la tournée Récits de Régénération en 2023. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

Les habitats tels que les milieux humides, les forêts, les prairies et les tourbières offrent des services essentiels et doivent être préservés et restaurés. Toutefois, ces écosystèmes sont de plus en plus détériorés et menacés. Les principes de l’agriculture régénératrice et la gestion holistique des terres promettent une voie pour que ces habitats soient protégés et restaurés.

Pendant la tournée Récits de Régénération à l’été de 2023, l’équipe de Régénération Canada a visité la ferme pédagogique et expérimentale de l’Université Polytechnique de Kwantlen (KPU) à Richmond (C.-B.). C’est le seul programme d’agriculture de quatre ans au Canada portant exclusivement sur la production biologique.

Située sur une ancienne tourbière aux Garden City Lands, cette ferme est gérée de manière à restaurer la tourbière et à offrir une éducation agricole axée sur la communauté. Seulement 8 de ses 55 hectares sont cultivés, selon un système de rotation de cultures entre six parcelles, dont deux laissées en friche. On y trouve également une serre solaire passive et deux abri-serres. Le programme souligne le rôle critique joué par les pratiques régénératrices dans la conservation des écosystèmes tout en formant les étudiant·e·s pour mener la transition vers des systèmes alimentaires durables.

 

L’importance de la protection des habitats clés


Protéger les habitats est essentiel au maintien de la santé des écosystèmes et de leurs services écosystémiques, tous essentiels à la vie sur terre : la purification de l’eau, le stockage du carbone, la prévention des inondations et de l’érosion, la pollinisation, le contrôle des ravageurs et la régulation du climat.

Depuis un demi-siècle, le principal facteur de la perte d’habitat et de la biodiversité est la conversion des écosystèmes naturels aux champs et aux pâturages :

Les milieux humides : Ils régulent l’eau, assurent le cycle des nutriments et hébergent les pollinisateurs. Autour de 15 000 hectares de milieux humides sont perdus annuellement au Canada, les impacts se faisant sentir sur les espèces migratrices et les émissions de gaz à effet de serre.

● Les praires naturelles : Les praires naturelles du Canada sont parmi les écosystèmes les plus menacés du globe : 70 % ont déjà été converties pour l’agriculture et le développement urbain. Les prairies bien conservées jouent un rôle crucial dans la stabilisation du sol, la rétention de l’humidité, l’hébergement des pollinisateurs et l’assainissement de l’eau.

● Les forêts : Le principal facteur dans la déforestation au Canada est le défrichage pour faire place à l’agriculture et le développement urbain. Il en résulte l’élimination de la biodiversité forestière, des pertes importantes de carbone et la diminution de la santé du sol, surtout en surface (0–5 cm). Ces effets peuvent perdurer et être difficilement renversables.

 

À une époque, la tourbe se trouvant sous la ferme de KPU occupait le delta du Fraser tout entier ; encore aujourd’hui, elle représente l’écosystème le plus riche en carbone qui s’y trouve. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

On se tourne maintenant vers un autre écosystème unique, important et menacé — celui de la tourbière — en explorant le rôle des pratiques régénératrices dans sa conservation. Ces habitats sont des milieux humides caractérisés par une accumulation millénaire de réserves profondes de tourbe. Ils hébergent des organismes spécialisés et fonctionnent également comme de cruciaux puits de carbone, dont ils sont de très importants réservoirs terrestres. En fait, ils contiennent presque 30% du carbone terrestre de la planète — plus que tous les autres types de végétation combinés! — mais n’occupent que 3 % de sa surface.

Toutefois, les tourbières font continuellement face à des menaces comme la conversion à l’agriculture et l’extraction de la tourbe. Ces pratiques libèrent du carbone dans l’atmosphère, exacerbant ainsi le réchauffement planétaire. De plus, l’enlèvement de la tourbe détruit un habitat essentiel pour insectes, oiseaux, reptiles et petits mammifères. Grâce à sa disponibilité, son prix abordable et sa structure favorable, la tourbe de sphaigne est utilisée comme principal ingrédient dans les mélanges de culture. Mais elle est pauvre en nutriments et, lorsqu’appliquée au sol comme amendement, l’acidifie, éloignant les microbes bénéfiques et affectant la biodiversité et la santé du sol.

 

Protéger les tourbières à la ferme pédagogique et expérimentale de KPU


À une époque antérieure, la tourbière de la ferme de KPU était soigneusement gérée par des peuples autochtones, qui y cultivaient des baies et des plantes médicinales. Malheureusement, elle est devenue inapte à l’agriculture suite à la contamination par métaux lourds industriels au 20e siècle.

Un processus de remédiation initié en 2017 consiste en l’épandage de sol minéral, amendé de compost et de fumier de poulet, sur trois hectares de tourbière afin d’en empêcher l’oxydation et de créer une couche isolante entre elle et la terre agricole superposée. Des tuiles perforées ont été enterrées dans la couche minérale perméable afin de contrôler l’infiltration, capter l’eau pour les cultures et prévenir la perturbation de la biochimie acide de la tourbe sous-jacente.

Les étudiants du programme d’Agriculture durable et systèmes alimentaires de KPU font des travaux pratiques à la ferme — située sur les Garden City Lands, à une distance de marche du campus central — en parallèle de leurs études théoriques au baccalauréat. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

La production agricole régénératrice et biologique a débutée l’année suivante, en 2018, du coté ouest du site, tandis que la restauration écologique de la tourbière s’est poursuivie du coté est.

Cet engagement en faveur de la protection et la restauration des écosystèmes naturels jumelées à la production de la nourriture est une valeur fondamentale pour les agriculteur·rice·s de KPU.

À la ferme de KPU, le docteur Michael Bomford nous a expliqué les efforts consacrés à la recherche d’un équilibre entre la conservation des tourbières et leurs services écologiques, d’un côté, et la restauration et la production alimentaire durable de l’autre. Le programme est axé sur des valeurs écologiques et sociales holistiques : il tient compte de la crise climatique et alimentaire en cherchant des moyens de créer un agroécosystème qui réduit les gaz à effet de serre (GES) et séquestre le carbone tout en fournissant de la nourriture saine à la collectivité locale.

Exploiter une ferme pédagogique à coté d’une tourbière protégée en milieu urbain offre un contexte de choix pour enseigner et apprendre sur l’importance de la tourbe dans le cycle du carbone et son lien avec les GES agricoles. KPU s’engage activement à surveiller et évaluer les impacts de l’agriculture sur cette tourbière enterrée tout en faisant la promotion de la conservation et la restauration des tourbières.

Pour savoir davantage sur ce projet, cliquez ici.

 

 

Protéger l’habitat avec les pratiques régénératrices 


Pour préserver la faune et la flore et assurer la résilience climatique, il est indispensable de conserver les habitats et les bassins versants en aval. Il faut donc sauvegarder les écosystèmes naturels sur les terres présentement cultivées, tout en en assurant la rentabilité agricole. À cette fin, régénérer la santé des sols doit devenir une priorité.

Nous pouvons, à la ferme et dans le jardin, contribuer à la préservation des écosystèmes terrestres et souterrains par la mise en œuvre de pratiques régénératrices comme le semis direct, les cultures de couverture, les amendements de compost, le pâturage planifié et l’agroforesterie, toutes autant présentées dans nos articles de blogue précédents.

Parmi les autres pratiques de gestion bénéfiques se trouvent :

Établir des zones de protection riveraine : On peut planter des arbres le long des cours d’eau afin de créer de l’habitat, freiner le ruissellement agricole et protéger les écosystèmes aquatiques.

Éviter la conversion des brise-vent : Les plantations brise-vent comportant des arbres jouent un rôle crucial en offrant un habitat pour la faune et en favorisant la biodiversité, le contrôle de l’érosion, le stockage de carbone et la protection de l’eau.

Le professeur Michael Bomford, du programme d’Agriculture durable offert par KPU, fait le tour de la ferme pédagogique avec, en toile de fond, des immeubles de Vancouver. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

Éliminer les applications d’azote à l’automne : L’application d’azote à l’automne est une pratique fréquente chez les producteur·rice·s de canola des prairies, entraînant des pertes d’azote et des émissions hivernales. Dans une optique de bonne intendance du sol, il est essentiel de renoncer à cette pratique.

Consacrer des terres à la conservation de la biodiversité : Des études démontrent que le rétablissement d’écosystèmes indigènes sur les terres agricoles, ou l’intégration d’îlots d’habitat naturel aux aires cultivées, s’avère la méthode la plus efficace pour favoriser la biodiversité du paysage.

À la ferme de KPU, des réserves pour coléoptères ont été installées en bordure des champs afin d’offrir un habitat aux insectes bénéfiques tels que les carabes prédateurs et les pollinisateurs.

● Inclure des plantes indigènes : La culture des plantes indigènes dans un jardin contribue à la restauration d’habitats naturels. Les plantes indigènes supportent pollinisateurs et faune et sont bien adaptées aux conditions locales. Dans un contexte de restauration des prairies, il faut utiliser des espèces propre à cet écosystème.

Chez KPU, des plantes indigènes ont été semées autour du périmètre du site, le long d’un sentier pédestre.

● Planter des haies : Des haies-clôtures, consistant en un mélange d’arbustes indigènes à fleurs et de couvre-sol, sillonnent la ferme. Elles offrent un habitat pour les insectes bénéfiques et des corridors pour la faune tout en abritant les cultures commerciales du vent. Les plantes herbacées attirent des pollinisateurs pendant la floraison des cultures.

 

Les agriculteur·rice·s qui cherchent à adopter de telles pratiques peuvent recourir à des programmes comme le Mentorat pour des fermes résilientes de Fermiers pour la transition climatique, ALUS Canada, le programme de planification environnementale à la ferme de leur province (C.-B., AB, SK, MB, ON, N.-B., N.-É., Î.-P.-É., T.-N.-L.) ou le PAA au Québec. L’organisation Young Agrarians offre également des possibilités d’apprentissage et de mentorat.

Face à la perte massive d’habitat, l’agriculture régénératrice donne de l’espoir en balisant le chemin vers la reprise des écosystèmes dégradés. Tel que démontré par la ferme pédagogique et expérimentale de KPU, la gestion régénératrice de la terre peut permettre de protéger et de restaurer des habitats menacés dans un contexte de production alimentaire durable. Sur une grande ferme ou dans un petit potager, chaque action régénératrice — comme la conservation des terres, l’intégration de haies pour pollinisateurs et la réintroduction d’espèces indigènes — contribue à la reprise des écosystèmes et offre ainsi la perspective d’un futur durable pour les prochaines générations.

 


Pour en savoir plus sur les pratiques régénératrices en place à la ferme de KPU, regardez la capsule vidéo sur la ferme, écoutez l’épisode de balado avec Rebecca Harbut et Michael Bomford, et regardez l’enregistrement du webinaire « Régénérer nos relations » avec Michael.

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Si vous avez des questions ou des commentaires sur les sujets abordés dans ce blog, veuillez contacter notre Chargée de l’éducation et de la recherche à l’adresse suivante : paige@régénérationcanada.org. Si vous avez des questions relatives à la campagne Récits de Régénération, veuillez contacter notre Chargée de campagne à l’adresse suivante : alieska@régénérationcanada.org.