Préserver les cycles de l’eau

Alors que 40 % de la population mondiale est confrontée à une pénurie d’eau, une bonne gestion de l’eau est un élément clé de l’agriculture régénératrice. Une irrigation efficace, des infrastructures de collecte de l’eau et un aménagement paysager stratégique sont importants pour la conservation de l’eau.


 

La préservation des cycles d’eau — l’un des 10 principes de l’agriculture régénératrice de Régénération Canada — est une réponse clé au problème de la pénurie d’eau qui affecte 40 % de la planète. À une époque où les changements climatiques intensifient les inondations et les sécheresses, la gestion durable de l’eau en agriculture s’avère plus importante que jamais.

Pendant la tournée Récits de Régénération en 2023, l’équipe de Régénération Canada a visité Peony Farms, un ranch situé au nord-ouest de Lacombe dans le centre de l’Alberta, qui est exploité en régie régénératrice par Craig Cameron, son épouse Miriam et son beau-père Peter.

Après des années de régie conventionnelle, la famille a réévalué sa démarche agricole quand la fille de Craig et Miriam a vécu des problèmes de santé qui l’obligeaient de manger des aliments de meilleure qualité. À présent, Craig et Peter élèvent des bovins piémontais finis sur pâturage. Ils vendent leur viande hautement nutritive en ligne et dans des magasins locaux d’Edmonton et de Calgary. Bien que le bœuf soit leur principal produit, la santé du sol et la valeur nutritive sont des considérations indispensables pour ces éleveurs. Leur système met notamment l’accent sur la préservation du cycle hydrologique afin d’assurer une terre riche et productive pour les générations à venir.

 

L’agriculteur Peter DenOudsten accompagné des participant·e·s de l’événement Récits de Régénération chez Peony Farms en Alberta, en septembre 2023. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

 

Le rôle de l’agriculture dans le cycle d’eau


L’agriculture influence et est influencée par le cycle d’eau. Elle constitue le plus grand utilisateur d’eau douce au monde, avec 70 % des prélèvements. Au Canada, en 2022, les producteur·rice·s agricoles ont utilisé environ 2,2 mille milliards de litres d’eau aux fins de l’irrigation.

Lorsque mal gérées, les pratiques agricoles peuvent dégrader la qualité de l’eau par la contamination, l’érosion des sols, la salinisation et le lessivage des nutriments, ainsi que par le ruissellement d’engrais, de pesticides et de fumier dans les eaux de surface.

L’agriculture régénératrice, pour sa part, offre un modèle durable qui renforce les processus hydrologiques en imitant les écosystèmes naturels ; c’est à dire, en améliorant la qualité de l’eau, en favorisant son infiltration et en rechargeant ainsi la nappe phréatique.

 

Menaces pour le cycle d’eau dans le contexte agricole


La manière selon laquelle la terre et l’eau sont gérées en agriculture peut affecter le milieu physique de manière complexe, et cette complexité doit être bien comprise si nous voulons réussir à préserver l’eau. Parmi les pratiques agricoles qui peuvent dégrader le cycle d’eau, nous retrouvons :

● La conversion de terres : La transformation d’écosystèmes naturels tels que les tourbières, les milieux humides, les forêts et les prairies naturelles perturbe les cycles d’eau, affectant par conséquent sa rétention, l’intégrité de l’habitat et le stockage de carbone. Plus particulièrement, les milieux humides sont des réserves importantes de carbone grâce à leur végétation dense et leur saturation périodique.

Le drainage des marécages est une pratique répandue dont le but est d’agrandir les surfaces arables. Chez Peony Farms, les marécages restent intacts. Craig et Peter ont remarqué lors des sécheresses que la terre avoisinante demeure productive et verdoyante grâce à l’ascension capillaire de l’eau.

● Le mauvais emploi d’engrais et de pesticides : Quand les engrais et les pesticides sont appliqués inadéquatement ou en trop grande quantité, le risque de graves impacts sur la qualité de l’eau occasionnés par le ruissellement et l’eutrophication augmente de façon exponentielle. Au cours des dernières décennies, le déclin de l’élevage au Canada a mené à une hausse des cultures annuelles et donc à l’application plus intensive d’engrais et de pesticides.

● La mauvaise gestion de l’irrigation : Les pratiques d’irrigation inefficaces gaspillent l’eau et peuvent conduire à l’épuisement des aquifères, la salinisation, et la contamination des cours d’eau par les engrais et les pesticides.

● L’érosion : Des pratiques intensives telles que le travail du sol, la monoculture et la surpaissance occasionnent l’érosion, altèrent la qualité de l’eau et la fertilité du sol, et diminuent l’infiltration.

 

L’indice composé de la qualité de l’eau en agriculture combine les valeurs de l’azote, le phosphore, les coliformes et les pesticides en un seul chiffre. La qualité de l’eau au Canada accuse une baisse constante depuis 1981, allant de « Souhaitable » à « Bon » par suite de l’application accrue de nutriments et de pesticides. Crédit photo : Agriculture et Agroalimentaire Canada

 

Préserver l’eau par la gestion régénératrice de la terre


Ralentir, répandre, infiltrer : voilà les trois mots-clés de la régénération des cycles hydrologiques. Il s’agit plus précisément de ralentir la dispersion de l’eau afin d’atténuer le risque d’érosion ; de répandre l’eau sur une plus grande superficie, et de faire infiltrer l’eau profondément dans le sol dans le but de renflouer la nappe phréatique.

Voici les pratiques essentielles :

Garder les sols couverts : Les sols couverts tamponnent mieux les fluctuations de température et sont moins susceptibles à l’évaporation. Une couverture ininterrompue — soit un engrais vert, des résidus végétaux, un couvre-sol ou un paillis — prévient l’érosion et le lessivage.

Préserver les aires sauvages : La préservation des aires sauvages accroît la biodiversité et fournit une panoplie de services écologiques qui bénéficient à la productivité de la ferme.

Quand les castors modifient le paysage dans le cours de leurs activités, ils augmentent les taux de recharge des eaux souterraines et de surface. Chez Peony Farms, les barrages construits par une famille de castors contribuent à retenir l’eau dans les ruisseaux intermittents.

 

Des castors sont actifs à la ferme de Craig et Peter, contribuant ainsi à la gestion et au stockage de l’eau. Crédit photo : Craig Cameron

 

● Réduire ou éliminer les engrais et les pesticides : Lorsqu’il est nécessaire d’appliquer des intrants, il faut le faire de manière responsable et modérée. Bien que le fumier animal et le compost sont des alternatives viables pour l’enrichissement et l’agrégation du sol ainsi que la rétention d’eau, ces intrants doivent eux aussi être appliqués avec soin. Les cultures de couverture, surtout les légumineuses, contribuent également à la fertilité du sol et à la lutte antiparasitaire.

● Augmenter la matière organique : Les sols riches en matière organique fonctionnent comme des réservoirs naturels : ils absorbent et retiennent l’eau pour ainsi atténuer les risques d’inondation et de lessivage de nutriments tout en renflouant les réserves d’eau souterraine. L’eau est libérée graduellement, rendant les cultures plus résilientes en l’absence de précipitation.

On peut stimuler l’accumulation de matière organique dans le sol et améliorer la rétention de l’eau en laissant se décomposer les résidus végétaux dans les champs pendant l’hiver, en y intégrant du compost ou du fumier, en semant des engrais verts, en pratiquant le pâturage planifié et en réduisant le travail du sol au minimum.

 

Des sols riches et vivants se sont accumulés avec le temps chez Peony Farms. Crédit photo : Hamaka Creativity Lab

 

Intégrer arbres et vivaces : Les racines des arbres, lorsque ces derniers sont utilisés en sylvopastoralisme ou intercalés avec des annuelles, stabilisent le sol, stimulent la microbiodiversité qui s’y trouve, y ajoutent du carbone et accroissent la rétention et la pénétration de l’eau. Les couronnes, pour leur part, offrent de l’ombre et brisent le vent, réduisant ainsi l’évapotranspiration des cultures, tandis que la litière de feuilles s’ajoute à la matière organique accumulée. Finalement, par un processus qui s’appelle la redistribution hydraulique, les racines profondes font monter l’eau vers les strates supérieures du sol où les cultures à racines moins profondes y ont accès, rendant ces dernières plus résilientes à la sécheresse.

Chez Peony Farms, les rangs d’arbres préservés le long des champs et des pentes jouent un rôle crucial dans l’infiltration profonde de l’eau, la transpiration et la formation de nuages de pluie.

Prises dans leur ensemble, ces pratiques décuplent la capacité de la terre à retenir l’eau de pluie. En outre, les arbres, les arbustes et les autres vivaces créent un microclimat favorable en tamponnant les fluctuations de température extrêmes.

● Irrigation efficace :

○ Dans la mesure du possible, préférer l’irrigation par gaine perforée afin de réduire les pertes d’eau par évaporation.

○ Comprendre les besoins particuliers de vos cultures pour éviter l’arrosage excessif ou insuffisant.

○ Adopter un horaire d’irrigation convenable en tenant compte de la composition du sol et des conditions climatiques locales : ajuster l’horaire d’irrigation en fonction des aléas de la météo.

○ Suivre régulièrement les niveaux d’humidité dans le sol pour évaluer l’efficacité de vos méthodes et horaires d’irrigation.

● Sélection des espèces : Prioriser les espèces végétales indigènes et tolérantes à la sécheresse ayant des systèmes racinaires profonds qui peuvent contribuer à absorber et retenir l’eau dans le sol.

● Terrassement : Excaver des rigoles ou des baissières le long des courbes de niveau pour intercepter et faire infiltrer les ruissellements dans le sol. Les baissières permettent de canaliser l’eau vers des étangs ou des champs ; les étangs, pour leur part, en plus d’offrir un habitat pour la faune, servent à entreposer l’eau de pluie et de ruissellement, qui devient une précieuse source d’eau d’irrigation.

 

Aménagement urbain


En milieu urbain, la production alimentaire locale, l’infrastructure de collecte et de gestion écologique des eaux pluviales, les rénovations pour valoriser l’eau, les toits verts et les bandes riveraines peuvent contribuer à la protection de cette ressource vitale. À n’importe échelle, notre futur collectif passe par une transition réussie vers les pratiques régénératrices de gestion de la terre, en harmonie avec le cycle hydrologique.

Préserver les cycles d’eau par la pratique de l’agriculture régénératrice est non seulement une responsabilité, mais aussi une opportunité de repenser notre relation à la terre et d’assurer un avenir durable. L’agriculture consomme beaucoup plus d’eau douce que les autres secteurs économiques et a un profond impact sur le cycle d’eau. Mais les pratiques régénératrices, en imitant les écosystèmes naturels et en favorisant les processus hydrologiques, nous offrent de l’espoir. En milieu urbain ou rural, les principes essentiels de la préservation de l’eau mettent en relief l’interdépendance de nos activités et la santé de la planète.

Pour en savoir davantage sur le cycle hydrologique en milieu agricole, nous vous invitons à visionner nos webinaires intitulés « Transformer la terre pour ralentir, répandre et infiltrer l’eau » et « La connexion sol-eau-climat ».

 


Pour en savoir plus sur les pratiques régénératrices en place chez Peony Farms, regardez l’entrevue vidéo et écoutez l’épisode de balado avec Craig Cameron et Peter DenOudtsen, et regardez l’enregistrement du webinaire « Régénérer la nutrition » avec Craig.

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Si vous avez des questions ou des commentaires sur les sujets abordés dans ce blog, veuillez contacter notre Chargée de l’éducation et de la recherche à l’adresse suivante : paige@régénérationcanada.org. Si vous avez des questions relatives à la campagne Récits de Régénération, veuillez contacter notre Chargée de campagne à l’adresse suivante : alieska@régénérationcanada.org.